Couteau : fantasme et symbolique...
... de Jeanne d'Arc à Peter Pan.
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La femme guerrière, sous les traits de Jeanne d'Arc, fit rêver Gilles de Rais, lui-même grand guerrier, qui tomba amoureux d'elle quand il combattit, à ses côtés, les Anglais. Il ne s'en remit pas et devint le sinistre tueur d'enfants que l'on connaît au coeur de son château de Tiffauges.
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Peter Pan a demandé à Wendy d’être sa mère ; en bon fils il la protège avec un petit couteau contre la longue épée du vilain capitaine Crochet...
Je parlerai donc seulement de symbolique.
La pensée commune, inspirée de la psychanalyse quoique n’y comprenant pas grand-chose, considère qu’un gros couteau, comme une grosse voiture, tient du fantasme sexuel.
Voyons un peu.
L’épée, qui est un couteau, symbolise la puissance émissive, dite masculine ou positive, complémentaire de la puissance attractive ou réceptive, dite féminine ou négative. Le soleil, par exemple, illustre à la fois la puissance émissive par celle de son rayonnement et la puissance attractive par sa force de gravitation.
Le symbole de Mars (une flèche sortant d’un cercle) est le symbole de cette force masculine, tandis que le symbole de Vénus (une croix sous un cercle) est le symbole de la force féminine. On les retrouve dans les symboles royaux, avec le sceptre (Mars) et l’orbe (Vénus), ou dans les armes du chevalier avec l’épée (qui émet l’énergie) et le bouclier (qui reçoit l’énergie). En géométrie, c’est la droite et la courbe.
A la planète Mars sont également associés la couleur rouge, l’humeur sang et, ce qui commence à nous intéresser, le métal fer. Ainsi, le mot « fer » était synonyme du mot « arme » en ancien français : ne dit-on pas, de nos jours encore, tombé sous le fer, un déluge de fer et de feu, croiser le fer, etc. L’idée commune est donc d’amalgamer Mars au sentiment de violence et au caractère sanguin, c’est-à-dire emporté, ainsi que nous imaginons notre Enfer occidental : rouge, sanguinolent et violent :
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On y voit des couteaux et, bizarrement, des patins à glace.
Pourtant, l’épée symbolise aussi la chevalerie :
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c’est-à-dire l’esprit de vigilance et de combativité, la fermeté face à l’adversité, ainsi que la droiture. Dans le monde contemporain, les arts martiaux me semblent représenter le mieux la pérennité de cet esprit chevaleresque qui met la force au service du bien et de la compréhension des autres. L’épée s’utilise avec les mains, lesquelles correspondent justement, parmi les cinq vertus cardinales, à la justice ; mais les mains mal employées font l’in-justice. Ainsi voit-on de nos jours de grandes puissances militaires parfois mener des missions de paix préférentiellement à la guerre et ses cortèges de souffrances injustes : l’esprit martial au service de la paix.
Mars symbolise encore la vigueur physique et psychique, c’est-à-dire la santé et la force ; son humeur est le sang qui nourrit le corps. D’ailleurs, la médecine a établi la corrélation entre manquer de fer et manquer de force puisque, dans l’organisme humain, ce sont les molécules de fer qui transportent l’oxygène jusqu’aux cellules par le véhicule du sang.
En outre, si la mythologie grecque unit Mars et Vénus, c’est qu’ils sont symboliquement liés, et que si le couteau est associé à la violence de Mars, comme à la fin, étrangement heureuse, de cette nouvelle de Borgès :
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il s’associe également à la sexualité de Vénus, comme dans ce poème d’Aimé Césaire :
(extrait du poème "La femme et le couteau" d'Aimé Césaire, extrait de Anthologie de la poésie nègre et malgache de Léopold Sédar-Senghor - PUF 1948)
Il est donc logique que le couteau soit la représentation inconsciente de la virilité, mais il n’est pas logique que le sens commun raille les amateurs de couteaux sans songer à railler les académiciens qui la brandissent fort pacifiquement :
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les étudiants des hautes écoles militaires, les gardes républicains, qui portent tous le couteau (épée ou sabre) sans la moindre utilité sinon symbolique de leur puissance intellectuelle, artistique ou guerrière. C’est trop vite oublier que le couteau, sous ses multiples formes, entretient indirectement la vie en récoltant les végétaux qui nourrissent les humains, en préparant le bois dont on fait des maisons et du feu pour se chauffer.
Le couteau étant « une lame munie d’un manche », il est par conséquent tout autant la lame quotidienne du quidam que la faux du laboureur, la hache du bûcheron, le bistouri du chirurgien, le sabre du kenseï
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et la serpe du druide.
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Alors oui, le couteau symbolise le principe masculin. Mais il faut comprendre que nous parlons bien ici de symbole et de principe, pas de détermination sexuelle ; car la maîtrise pratique du couteau par les femmes est pour moi patente quand je vois ma femme cuisiner avec vitesse et précision, sans compter que l’histoire ancienne et actuelle - dont les prix Nobel de la Paix - montre que les femmes ne sont jamais en reste pour dénoncer et lutter contre l’injustice.
Instrument universel par excellence, sa diversité illustre magistralement le génie des hommes à être éminemment différents les uns des autres, tout en étant éminemment semblables, ayant bien moins souvent détruit la vie sous ses formes dévoyées qu’il ne l’a préservée, sauvegardée et même développée en sa qualité première d’outil.
Mots-clés : Couteaux
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