Juin 09 20

Couteaux : Etymologie de quelques substantifs de base.

Un peu de linguistique... tranchante



Pour une fois, un article avec peu d'images.

En latin,
se dit culter, cultellus signifiant "petit " :


Notre actuel mot français
est l'héritier du diminutif cultellus (prononcer "coultèlous") : la voyelle finale est tombée au 7e siècle de notre ère, le U se transforma en O, ce qui donna coltel.

Puis les L qui suivaient une voyelle et précédaientt une consonne se vocalisèrent en U. Ainsi, en français moderne, on dit encore de nos jours "un bel objet" et "un beau vase" ; de la même façon, coltel devint couteu (prononcer "co-ou-té-ou" en liant les voyelles).
Je ne me souviens plus des raisons philologiques qui firent que le "éou" final est devenu un "o", mais cela me reviendrait sans doute si vous me menaciez de me priver de mes M16.


Donc, petit cultellus est devenu grand 
:


Poignard remonte à poignal, qui remonte lui-même à un adjectif du latiin populaire *pugnalis (de pugnus «poing») «qu'on manie avec le poing», sur le modèle de manualis «qu'on tient dans la main». Le mot signifie aujourd'hui  :

Arme blanche à lame courte, assez large, tranchante et effilée à son extrémité, garnie d'un manche.
Définition à comparer pour ses différences avec celle du
:
Instrument tranchant formé d'une lame emmanchée de forme et de longueur variables.
On voit qu'il manque ici la notion de longueur : une épée à deux mains est-elle un
?

 

Quant au mot dague, à en croire les autorités compétentes, il n'a pas aujourd'hui d’origine certaine (peut-être celtique),  mais elle se définit de la sorte :

 

Poignard ou épée courte en usage du Moyen Âge au XVIIIe siècle, dont la lame aiguë et plate pouvait pénétrer au défaut de la cuirasse et à travers les cottes de maille.


Selon ces définitions (d'un excellent dictionnaire de français en libre accès sur la toile), le mot
est donc générique, un peu comme knife en anglais, si ma mémoire est bonne.

 

Voilà ce que les ancêtres nous léguèrent linguistiquement avec l’objet de notre intérêt qui, selon ma terminologie personnelle, s'appelle coutel plutôt que coutal, étant bien entendu qu'il s'agit d'un choix, non d'autorité, mais de langue : si le mot ancien avait été *coutal, on aurait aujourd'hui le mot coutau, et non le mot couteau

A tous, un bon week-end.

 

 




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Commentaires

1 - Etymologie...

navydog Merci Nicolas, pour cette touche de culture dont je suis friand...
Il me paraît utile en effet, tant qu'à parler de l'objet de notre passion ; du "couteau", que l'on sache son origine !  Comme dit un proverbe Africain : "Si tu ne sais pas où tu vas regarde d'où tu viens".
Certes, cultellus, devint couteau, mais j'ai cependant remarqué qu'après une chasse au "L"  l'éthymologie avait la dent dure, car le "L" est en outre, repris allègrement dans coutellerie.

 


navydog | Le Dimanche 21/06/2009 à 10:36 | [^] | Répondre

4 - Re: Etymologie...

Nicolas Le L intervocalique (entre deux voyelles) reste L et le L qui suit une voyelle et précède une consonne devient U :
animal, animaux, animalerie,
-  comme le mot couteau, les mots oiseau et damoiseau viennent de oisel et damoisel, et il y a d'ailleurs le pendant de coutellerie avec oisellerie.

Mais alors pourquoi le L de coutellerie ou de belle dans belle femme, n'est-il pas devenu U, puisqu'on ne prononce pas le E final ? 
Le A final, au lieu de tomber au 7e siècle, est devenu E, ainsi bella est devenu belle ; mais que ce soit dans belle ou dans coutellerie, le E était prononcé, et il est encore prononcé dans l'accent méridionnal ( "Oh mazet-teu, quel-leu bel-leu fem-meu !"). Ainsi, le E s'interposait-t-il entre le L et la consonne qui suivait, et le L restait intervocalique et donc restait L (voir plus haut).
Voilà pour ton interrogation, Navydog.

 


Nicolas | Le Dimanche 21/06/2009 à 15:59 | [^] | Répondre

6 - Re: Etymologie...

navydog Et bien ! Au niveau de l'explication je suis servi  merki
Histoire de mettre ma contribution...Tu as parlé de l'éthymologie du "petit couteau", et apparement celle du "grand couteau" dénommé "coutelas", viendrait de l'Italien "coltellaccio" 

 


navydog | Le Dimanche 21/06/2009 à 18:42 | [^] | Répondre

10 - Re: Etymologie... de COUTELAS

Nicolas D'après le CNRTL (Centre National des Ressources Textuelles et Lexicales, dictionnaire en ligne), il semblerait que coutelas provienne de l'adjonction du suffixe péjoratif -asse à notre coutel favori, plutôt que l'emprunt de coltellaccio à l'Italien. 
Mais là, je ne saurais trancher le débat.

 


Nicolas | Le Mardi 23/06/2009 à 20:26 | [^] | Répondre

12 - Re: Etymologie... de COUTELAS

navydog Tu ne peux trancher le débat...mais face au regard affûté qui est le tient, je ne saurais contredire

 


navydog | Le Mardi 23/06/2009 à 22:01 | [^] | Répondre

13 - Re: Etymologie... de COUTELAS

Nicolas La phonétique historique est une branche de la philologie. Elle cherche à comprendre, en comparant les différentes formes d'un mot dans des textes de différentes époques, comment les sons de ce mot ont évolué, comment les sons de tous les mots ont évolué, comment de nouveaux mots apparaissent, comment des mots disparaissent, comment ils sont remplacés ou non, etc, et on aboutit à des règles, ou plutôt à des "lois" qui, si mes souvenirs sont bons, diffèrent selon les langues (pourquoi diffèrent-elles, je ne sais si les linguistes eux-mêmes peuvent répondre).
Si donc les spécialistes pensent que coutelas vient plutôt d'une suffixation que de l'italien, c'est qu'il est possible qu'aucun exemple ne corrobore la seconde hypothèse, tandis qu'une forme ancienne de la première apparaît peut-être dans un texte récemment découvert. Il se peut aussi (mais c'est beaucoup moins probable) que les deux soient venus en conjonction. 
C'est une science à part entière. Je n'en ai livré que des bribes (je ne suis pas assez compétent pour en livrer davantage), mais en tout cas, si cela put éveiller votre curiosité et le plaisir d'avoir ouvert une nouvelle fenêtre, alors je suis heureux comme tout.

 


Nicolas | Le Mercredi 24/06/2009 à 12:54 | [^] | Répondre

2 -

MiawTheCat Très bon article. C'est dans ces moments-çi que l'on se rend compte que nous connaissons mal notre histoire. Mais j'aimerais bien savoir quel est le nom du premier couteau dans l'article... Ma connaissance de tous les noms de couteaux est un peu limitée.

merci 

 


MiawTheCat | Le Dimanche 21/06/2009 à 15:38 | [^] | Répondre

3 - Re:

Bart CRKT Hawk K-AT 
http://a-couteaux-tires.zevillage.org/news/couteau-mystere-14

 


Bart | Le Dimanche 21/06/2009 à 15:59 | [^] | Répondre

5 - Re:

Nicolas Oui, , Bart a juste : c'était pour illustrer "petit couteau" est devenu "grand (couteau)".

 


Nicolas | Le Dimanche 21/06/2009 à 16:13 | [^] | Répondre

7 -

LaurentL Merci beaucoup pour cet article !

Un plaisir à lire !

 


LaurentL | Le Dimanche 21/06/2009 à 23:32 | [^] | Répondre

8 - Merci...

Nicolas ... pour vos réponses enthousiastes. Je dois dire que je me suis bien amusé à me remémorer mes cours de philologie. J'étais bon en phonétique historique, mais en ancien français, j'étais... moins bon. 
Mais j'ai retenu la leçon que l'orthographe, si biscornue soit-elle, de n'importe quel mot de notre langue s'explique par l'éthymologie et/ou la phonétique historique et que l'orthographe, même si on ne s'y intéresse pas, n'est pas plus absurde que le choix méticuleux de la matière d'un manche de... coutel.
On ne maîtrise la langue comme une lame que si on la tient bien.

 


Nicolas | Le Mardi 23/06/2009 à 19:20 | [^] | Répondre

9 -

Quel bonheur de voir aussi brillamment conjuguée deux passions : fil des mots et fil de la lame. J'aimerais apporter une contribution qui peut éclairer sur la destinée du couteau : oui,cultellus, petit couteau, est le diminutif de culter, grand couteau, qui a donné le mot (assez archaïque) de coutre qui désigne le grand couteau de la charrue. Désignation qui précède les autres dans les racines indo-européennes. Ce qui est à mes yeux intéressant, c'est que l'étymologie désigne la lignée ancestrale du couteau qui est avant tout un outil (par nature), avant d'être éventuellement une arme (par destination). Ce type d'argument est parfois utile pour contrer certains jugements abusifs sur les passionnés de couteau. Et on peut ajouter que la même racine très ancienne nous a aussi, et toujours à cause de la charrue, donné le mot...culture.
C'est pourquoi, quand j'entends le mot culture, je sors mon couteau.

 


Sophie | Le Mardi 23/06/2009 à 19:49 | [^] | Répondre

11 - Re:

Nicolas Merci, Sophie, pour votre post remarquablement subtil.
D'où maîtrisez-vous ainsi l'étymologie ? Car, bien davantage qu'une contribution, votre texte pénètre le sens profond de l'objet et n'est pas l'oeuvre d'un amateur. Ainsi je m'aperçois que couture et surtout culte ont également culter pour racine.
Les réseaux de signification se révèlent et le rêve m'emporte.

 


Nicolas | Le Mardi 23/06/2009 à 20:40 | [^] | Répondre

14 -

Tuan Merci Nicolas pour cette brillante synthèse et merci Sophie pour cette fine intervention qui chante à mon oreille et rappelle non seulement la vocation première du couteau en tant qu'outil - à visée alimentaire/nourricière - mais aussi sa relation primaire avec la culture (pas celle de la confiture même si celle-ci cultive un rapport intime et gourmand au couteau).

J'y vois donc la conjugaison de non pas deux, mais trois passions !!! 

gm67

 


Tuan | Le Mercredi 24/06/2009 à 17:38 | [^] | Répondre

15 - Re:

maxos J'ajouterais simplement  à ces posts réjouissants que "poignard" et "manuel" se disaient de la même manière en Grec, à savoir Enchiridion. Par exemple, le "Manuel" du Stoïcien Epictète se disait Enchiridion, poignard, donc ce qu'on a dans le poing. C'est ce qui est utile te qu'on a toujours sur soi pour toutes sortes de situations - donc comme la philosophie. Si par conséquent on rattache la philosophie à l'affaire, en tant que passion de la sagesse, ne pourrait-on dire qu'ici se joignent finalement non pas deux, non pas trois, mais quatre passions ?

 


maxos | Le Jeudi 25/06/2009 à 15:07 | [^] | Répondre

16 - Re:

Nicolas Si ce n'est que la sagesse vise à nous débarrasser de nos passions.
Philosophie est "amour de la sagesse", plus que passion (qui viserait à nous débarrasser d'elle-même ?)

 


Nicolas | Le Jeudi 25/06/2009 à 15:33 | [^] | Répondre

17 - Re:

maxos ... de nos passions mauvaises et nuisibles : " Rien de grand ne s'est fait sans passions" (Hegel, dans La raison dans l'histoire, si mes souvenirs sont bons) ; et Descartes si ma mémoire ne me trompe pas, disait que c'est des passions que l'homme peut "goûter le plus de douceur en cette vie... " alors allons-y gaiement !

 


maxos | Le Jeudi 25/06/2009 à 15:42 | [^] | Répondre

18 - Re:

Nicolas Donc passion en tant qu'émotion et non en tant que sentiment. Cela me va. Reste à s'affuter l'esprit pour savoir bien les distinguer, couper les unes et préserver les autres... c'est un peu l'esprit du sabre en tant que voie d'éveil.

 


Nicolas | Le Jeudi 25/06/2009 à 15:48 | [^] | Répondre

19 - Re:

maxos comme le dit Chris Reeve : "Think twice, cut once !" 

 


maxos | Le Jeudi 25/06/2009 à 16:41 | [^] | Répondre

21 - Re: Sagesse / passion

navydog Nombreuse est l'armée des gens sages qui vivent sans passion,
Pourtant celui qui vit sans passion n'est pas si sage qu'il le croit,
Même si la sagesse par sa prudence ne prend pas de risque et en ce sens fait durer,
Est-ce une vie de ne jamais risquer de ne pas gaspiller...

 


navydog | Le Vendredi 26/06/2009 à 09:08 | [^] | Répondre