Couteaux : ce qu'il ne faut pas faire avec...
Un petit conte de Noël par LaurentL
Il m’est toutefois arrivé d’avoir des petits morceaux à recoller : un talon en porte-à-faux décollé sur une chute, un autre peut-être à cause de la qualité de la colle et des pressions qu’il subissait dans une poche.
C’est tout.
J’ai réparé une fois un n°9 qu’un chien avait pris pour un os. Le bois était rongé par endroits, mais les collages avaient tenus !
Ceci dit, un collage qui lâche, cela peut arriver…
Mais le cas ici présent est tout différent… Il relève de…
… Ben justement, de quoi relève-t-il ? Perversité, inconscience, féminité ?
Car c’est bien de cela qu’il s’agit et je crois que le plus juste est de dire qu’il relève de… Laure !
Laure et sa perception de la matière, tellement identique à celle de sa gestion des véhicules, de sa compréhension des mécanismes…
Mais entendons nous bien, Laure est une femme que j’adore, très belle au demeurant et qui, avec son mari, sont des amis chers !
Mais Laure… Est-ce une sorte de poésie obscure qui l’habite dans son rapport aux objets ? Je ne sais pas, je ne sais plus, pire, veux-je savoir ? ! ?
Il est des choses qu’il vaut mieux ignorer.
Comme, par exemple, ce qu’elle fait d’un custom que vous lui offrez…
Au début, ce fut un n°8, un des tous premiers Opinel que je customisais.
Amarello, Ebène, Wengé, un chouia de Padouk et mon scanner pour capturer l’image.
C’était il y a environ 5 ans.
- Et comment ?, m’étonnais-je.
- Ben au ras du manche…
- ? ! ? ! »
Ensuite, elle le laissait sécher lame en l’air, comme un vieux couteau de table en acier carbone.
Forcément, l’eau stagnant au niveau de l’axe de la lame, la rouille s’était installée et avait rongé le métal.
Bon, c’est Laure… Alors on lui explique ce qu’il ne faut pas faire et on lui change la lame…..
Chose incroyable, le bois et le vernis avaient étonnement bien résisté à ce traitement !
Mais ils n’ont pas résisté éternellement.
Car, par la suite (il y a à peine plus d’un an), Laure m’apprend qu’elle ne peut plus se servir de son Opinel, il est tout cassé…
Mais depuis quand ? Pourquoi ? Comment ? Chute, choc, termites, feu ?
Non… Pire…
Lave-vaisselle...
Ben oui, je lui avais dit de ne plus laver son couteau dans l’eau de vaisselle avec le reste de ses plats… alors, comme les couverts qui sortent du lave-vaisselle sont bien propres et tous secs… Puisque je lui avais dit que l’humidité était l’ennemie du bois et de l’acier…
Tout avait explosé à la longue : bois et collages n’avaient vraiment pas apprécié les fortes montées en température, les écarts thermiques, les produits détergents. Il manquait des morceaux et la lame avait fini par se briser (bis repetita) presque en son milieu.
Là, vous savez illico ce que les mots tolérance, patience, maîtrise de soi et amitié signifient.
Alors comme c’est Laure et qu’avec Vincent ils comptent beaucoup pour moi…
J’avais un vieux n°10 custom que je n’utilisais plus, m’en étant fait un différent et plus ergonomique. Je décidais de lui donner une nouvelle jeunesse et des formes plus élégantes (il était un peu large en main au niveau de la tête et du ventre) avant de le donner à Laure. Je lui remplacerais ainsi le sien plus rapidement. Voilà l’issue de mon travail :
Devenu un peu plus fin sur toute sa ligne et en particulier au niveau du talon, je ne pressentais là aucune zone de faiblesse dans le cadre d’une utilisation dite « normale ».
C’était sans compter sur Laure…
Je lui ai donné ce couteau début octobre 2007.
Dimanche 21 décembre 2008, rendant visite à Laure et Vincent (j’offrais un custom à Vincent pour Noël), Laure me dit : « Ah, ben tiens, le mien s’est cassé, mais il me va comme ça ! … »
Là, chers amis, nous rentrons dans le règne de la déglutition et de l’onomatopée. Je le saurais, j’en parlerai le latin pour le perdre aussitôt ! Un regard compréhensif passa de Vincent à moi et le sourire que j’arborais tenait plus du rictus ou de l’incrédulité ayant figé ma bonne humeur affichée l’instant d’avant que de la réaction à ce que j’avais du mal à ne pas prendre pour une boutade…
L’image parle plus que les mots…
Comment est-ce arrivé ?
Comme toutes les personnes pour qui ce que vous dites est vaguement abscons mais qui ont confiance en vous, Laure a interprété la chose au pied de la lettre.
Elle utilise son couteau, tous les jours et pour tout : préparer les repas comme manger.
Ensuite, un peu d’eau sous le robinet, on essuie et on range le couteau… Oui, on le range lame en l’air en le laissant tomber dans un pot…
Là, je n’ai plus de mots…
Chose surprenante, la partie collée du talon ne s’est pas désolidarisée du reste, non. C’est le talon qui a cassé (voir image, en suivant les lignes rouges), hêtre, ébène, morceaux rapportés, colle, rien n’a résisté. Seul le vernis tenait encore son rang de Protecteur.
Le virobloc, lui, ne tournait plus. Ou si peu, si mal… Mais Laure ne repliant jamais la lame, quelle importance ?...
Et puis, comment définir ce que j’ai trouvé dans la rainure de la lame, entre le virobloc et la virole ? A un moment, je me suis senti comme un historien biologiste exhumant une vieille momie… Puis comme un restaurateur de vieilles machines, mettant à jour la rouille sous le « chrome » décollé…
Mais bon Dieu – car à n’en pas douter Lui seul peut savoir - quel était ce mélange de matières ?
Il y a des Mystères sur cette Terre…
Pourtant, elle ne voulait pas : la lame coupe très bien et elle insistait : « Je l’aime bien ainsi, il est court, facile et maniable pour préparer les légumes… »
Rien que le mot légume associé à un Opinel n°10 alors que la poésie des sens s’éveille en nous dès que l’on articule entrecôte autour d’une lame magnifiquement efficace… Argh, hérésie !
Bah ! Voici donc ce que j’ai fait, en une soirée exutoire et un jet de padouk, érable et teck, seulement avec des chutes (je suis gentil mais bon, tout de même... ) et deux couches de vernis passées sans ménagement le lendemain, juste pour protéger un petit peu le bois de ce que subira bientôt – et hélas de nouveau, j’en suis certain – ce couteau.
Alors pourquoi là ?
Disons que j’aime beaucoup Laure et Vincent.
Finalement, les Opinels customs sont-ils solides ? Oui, sans conteste !
Mais comment fait Laure ? Là, vraiment, je ne sais pas, je ne comprend pas !
Mystère féminin, c'est sûr…
Et puis nous, nous sommes beaucoup plus...
... tellement mieux...
... enfin... ... sous tout rapport, hein !
Non ?
LaurentL
Mots-clés : couteaux
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