INFIDÈLE !
ET VERSATILE !
A la chasse, j'emporte pratiquement toujours un couteau d'Eric Plazen. Oui mais voilà, j'ai acquis dernièrement un couteau de chasse de Jean-Louis Régel en 100C6 que j'avais très envie d'essayer : manche en bois serpent et os.
J'ai découvert ce coutelier il n'y a pas très longtemps, un garçon charmant, doté de ce pouvoir d'émerveillement devenu si rare ! Un passionné, un vrai, à l'écoute de ses "anciens" comme Eric Plazen, Fabian Damanet, Achim, comme un buveur de paroles. Et un passeur à l'acte redoutable : il essaye tout et... à fond ! Et il obtient d'excellents résultats (il faut voir ses réalisations en wootz, de pures pépites de générosité, parce qu'il en faut, en termes d'heures et de sueur !).
Bref, c'est mon dernier et comme presque toujours, mon préféré du moment, et qui restera dans mes favoris, pendant un bon bout de temps. Celui-là, croyez moi, c'est un bon !
Samedi matin : -11°, ça picote ! Il a pas mal neigé dans la semaine et la croûte est bien gelée.
J'aime chasser quand la neige commence à bien s'installer, là, c'est la chasse à l'ancienne, plus de 4x4, que les jambes ! Le poste où je dois aller est à à peine 1/2 heure de piste en voiture et on doit redescendre un petit 1/4 d'heure sur un chemin en légère pente, pour y accéder. Et ça, c'est quand il n'y a pas encore de neige. Mais là, la donne change, pas question de moyens modernes : les guiboles, rien que les guiboles. on part d'en bas et on grimpe. Pas une méchante marche, mais quand-même, 1 heure et demie : un chemin qui démarre assez fort, au fond d'une vallée humide, donc, pris par la glace et qui se calme au bout d'une vingtaine de minutes pour donner un faux-plat montant en dévers, dominant la vallée et le village. Généralement, je le descends, plus que je ne le monte, en automne, c'est splendide : sous les hêtres, donc nappé d'un épais tapis de feuilles dans lesquelles on s'enfonce jusqu'aux genoux (mais la récompense peut être sous la forme de quelques girolles). Le problème, c'est que les feuilles y sont bien, mais recouvertes d'une trentaine de centimètres de neige et c'est pénible, parce qu'on s'enfonce allègrement de 40cm de feuilles + 30 cm de neige relativement poudreuse ! La neige entre sous les guêtres, puis dans les chaussures, que du bonheur ! Mais les anciens n'avaient pas tout le matériel que nous avons maintenant ( pulls et gants en laine polaire, pantalons étanches et tout et tout), ils y allaient, sans se poser de question, la grosse chemise à carreaux ouverte, les bandes molletières sur le pantalon de drap, le béret basque et l'escopette branlante dérivée au mieux du Mauser, au pire du vieux Lebel, ou bien le 12 à broches et à poudre noire pour les plus anciens ... Et ils tombaient du chamois et du sanglier !
Nous sommes de gros gâtés, nous les tartarins modernes : carabines précises, lunettes, jumelles... Par contre, le gibier est géré et il faut parfaitement l'identifier. C'est normal.
Quand le grand blanc recouvre tout, on peut lire la nature comme un livre ouvert et se rendre compte que la vie y est omni présente : des "piades" (traces) d'hermines, de renard, de blaireaux, de lièvres, de chamois, chevreuils, sangliers... Mais pas de loup, pas encore, mais j'en ai déjà photographié pas très loin (des traces, seulement des traces... Hélas !).
Ce matin-là, mon compère est allé se poster un peu plus haut que moi et m'a fait descendre un très joli bouc, magnifiquement coiffé, mais nous n'étions pas au chamois. Il m'a vu mais n'a pas eu l'air plus impressionné que ça ! Il faut dire que c'est la fin du rut et les boucs sont assez nerveux - ils n'en n'ont plus que pour quelques jours et ensuite, ils feront ceinture jusqu'à Novembre 2011 ! Qu'ils en profitent et nous préparent les cabris, éterlous et chamois de demain.
Grand silence ... Et puis un toctoctoc familier, en dessous de moi : j'ai vu une silhouette noire traverser au dessus des cimes du bouquet de hêtres, en contrebas, un pic noir, très bel oiseau. Il attaque un vieux pin creux... Tactactac, là, il est sur une branche plus petite, le son est plus aigu.
Le chiens n'ont rien levé et la consigne de la descente est donnée, nous ne nous faisons pas prier, le petit nuage, pas bien beau, observé à notre arrivée, a considérablement grossi et la neige commence à tomber. Météo-France ne s'est pas trompée : neige en fin Novembre, glagla en Décembre. Nous allons être dans le grand blanc jusqu'en Mars, comme ces deux dernières années, on s'y fait !
Mon collègue me rejoint et nous entamons la descente, lorsqu'un splendide rapace nous survole, pas très haut, à une cinguantaine de mêtres, pas plus. C'est plus gros qu'une buse, mais le ventre bien brun, pas de doute possible, les autres rapaces sont déjà repartis vers le sud, les seuls à rester sont les buses et les aigles royaux (et pas mal de vautours, qui remontent du Bas-Verdon, attirés par quelques charognes). Je l'ai déjà photographié en été, c'est le mâle, plus petit que la femelle. Et ô surprise, sa compagne est là aussi, majestueuse, bien plus grande que lui, un double mètre d'envergure, mon animal favori avec le loup ! Je suis récompensé de mes efforts, mais le petit Leica ne me permet pas de lui tirer le portrait ! Cet été sans doute ...
Un dernier regard vers la vallée, du marron, beaucoup de marron, les hêtres ont perdu leurs feuilles, ponctué par le vert des sapins et les quelques tâches jaunes des mélèzes encore chevelus, mais plus pour longtemps. Nous sommes à 1800 mètres d'altitude. Ils ne seront bientôt plus coiffés que de lychen.
Retour sans trop de chutes.
Les chiens n'ont pas été lâchés et sont frais, nous tenterons une mini-battue l'après midi, sur traces de sangliers. La neige redouble, on ne voit pas grand chose, et je me repasse inconsciemment Croc Blanc ! Je suis là, sous la neige, en plein bois, le panard intégral ! Les chiens ont levé une petite harde, une laie et 3 bêtes rousses d'une trentaine de kilos dont un fera les frais de notre sortie, qui se transformera en une bonne daube aux cèpes, la semaine prochaine. Le couteau de Jean-Louis a été parfait, mais je vous épargnerai les images de la découpe.
J'ai prêté le Fisk, compagnon fidèle depuis plus de 20 ans et le petit Kukri de Citadel, à mes collègues, ça les change de leur Rostfrei et de leur Stainless !
Le dimanche, pas de chasse, trop de neige. Les hommes du village ont sorti les pelles à neige et ont déblayé devant les portes des plus anciens, le tracteur et sa fraise ont été inaugurés : faut pas croire, on s'équipe dans les petits villages de montagne... Le soir, les ruelles du village étaient nettoyées, la vie reprenait... Mais ce matin, les crampons étaient de rigueur : crac crac à chaque pas et quelques belles gamelles !
Il fait froid, très froid, mais les bûches chauffent dans l'insert. 9 kilos de coings à éplucher, qui seront transformés en pâte de coing et en gelée ... Un peu de douceur dans ce monde de brutes !
Après 4 jours dans le Nord et en Belgique, puis 8 à Paris, j'avoue que ce froid-là, je l'apprécie !
L'odeur des coings m'a donné envie d'un petut coup de Château-Chalon !
Un dernier regard vers le blanc et on rentre, il y a du boulot qui m'attend, si je veux que le Hors série soit sorti ... La semaine prochaine ...
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