Juin 12 24

Couteau Benchmade Osborne 810 Contego

Un fermant tactique avec une lame en CPM-M4

  • Currently 4.6/5

Note : 4.6/5 (5 notes)



Le Warren Osborne Contego est un puissant fermant qui se présente trés clairement comme une version renforcée du trés intéressant modèle 950 Rift. Le système de verrouillage de la lame est l'excellent Axis Lock qui malgré la grande dimension et la masse de la lame offre un fonctionnement fluide et un verrouillage trés sûrs dépourvus de tout jeu vertical ou latéral . Sa particularité majeure, à mon sens est d'utiliser le trés technique CMP-M4, dont je procéde à une étude détaillée à l'aide des Techniques de l'ingénieur (traité de métallurgie M 300 et traité de trempe des aciers), ainsi que la documentation de Crucible sur la technologie des aciers frités modernes. En effet cette nuance d'acier est fort mal documentée en langue française, et présente certaines spécificités à connaître si l'on souhaite posséder un doté d'une telle lame. Les explications ont été réduites au minimum utile, que les puristes me pardonnent par avance!
 

 



Le Contego (bouclier en latin) mesure 13,2 cm fermé (en tenant compte de la pointe brise vitre) pour 23,7 cm lame déployée, le tout pour une masse de 168 grammes. Il s'agit donc d'un trés grand , pas forcément compatible avec le concept , compte tenu d'une lame plutôt agressive (mais on reste ici dans la problématique de la perception de l'outil coupant par le profane et pas forcément de la réalité...) .
 


Le manche est construit autour de deux platines en acier inox, probablement du 420 J2 comme pour le Rift, dont l'épaisseur est de l'ordre de 1-1,5 mm environ. Les deux platines sont ajourées par 4 découpes circulaires chacune. La structure du manche évoque fortement celle du Manix 2 avec plusieurs zones de crantage et une entretoise en acier inoxydable située, ici en bout de manche
 


Les zones de crantages sont trés agressives. Il existe une première zone sur le manche immédiatement avant la lame sur 2,5 cm de longueur. 

 


Le dessous du manche possède trois zones de crantage supplémentaires : avant - milieu - et arrière, avec respectivement des longueurs de 1 cm; 2,3 cm et 2 cm.

 


Enfin les platines sont recouvertes de plaquettes en G-10 noir texturé, qui sont abrasives et usinées en 3D pour fournir une prise en main optimale.
 


L'entretoise métallique fixée en bout de manche permet de renforcer l'intégrité structurelle du fermant, et sert aussi de point de fixation à une pointe brise vitre en carbure de tungstène. Cette point est tronconnique et dépasse de l'entroise d'environ 2-2,5 mm.
 

 

L'entretoise reçoit une zone de crantage sur environ 3,7 cm, pour une longueur totale de 6,5 cm pour 4,5 mm de largeur. Le manche possède une épaisseur de 12 mm pour une hauteur maximale centrale de 3,2 cm.
 


Le clip est réalisé en acier inoxydable brillant beaucoup trop ostentatoire, alors même qu'il est conçu pour permettre un port en poche profond malgré la grande dimension du . Le clip mesure 6 cm de long pour une largeur de 8 mm et est réversible "tip up" seulement.
 


La lame est magnifique et devrait intéresser tous les amateurs de lame japonisante et les fans de Warren Osborne. Cette forme de lame est travaillée par Osborne depuis le modèle 940, et plus récemment avec le Rift. Elle est présentée comme un profil "reverse " que je perçois plutôt comme un profil en forme de sabre (ce qui n'est pas incompatible). Cette lame vient concurrencer avec bonheur celle du CQC-8, mais sans aucun effet de recopiage, les deux lames étant assez originales. L'acier utilisé par est le CPM-M4, un acier au carbone surtout connu pour les concours de coupe américains (fortement liés à Gayle Bradley).
 


Les premiers aciers rapides modernes sont fabriqués aux Etats-Unis en 1910 et dés 1930 sont introduits les aciers rapides à base de molybdène dont la nuance la plus connue est le M2 HSS (norme AISI). Les aciers rapides au molybdène restent les plus utilisés. Le M4 est dans la nomenclature américaine (AISI) le HSS-E, acier surcarburé au vanadium, et en France avec la norme NFA 35-573/4 il est connu sous la dénomination Z130WDCV 06-05-04-04.
 

L’acier CPM- M4 est un produit issu de la technologie de la métallurgie des poudres de la société américaine Crucible. La caractérisation physico-chimique en fait un composé métallurgique qui selon les sciences de l’ingénieur se classe à la fois dans les aciers spéciaux (pourcentage de carbone supérieur à 0,6), mais surtout dans la catégorie des aciers outils dits rapides, c’est-à-dire destinés à déchiqueter d’autres aciers et à fabriquer des forets.

Il s’agit d’une évolution technologique majeure de l’acier M4, lui-même produit par Crucible. Le CPM REX M4 HC (HS) est un acier outil à haute teneur en vanadium spécialement conçu pour les applications rapides et offre une meilleure résistance à l’usure et une plus grande résilience (thoughness) que les aciers M2 et M3.

Par rapport à l’acier standard M4 le CPM-M4 a été modifié par une augmentation en carbone afin de lui conférer une dureté optimale pour les travaux de coupe. On note également un apport en souffre notable (High Sulfur) selon Crucible, qui permettrait d’obtenir un meilleur usinage de l’acier CPM-M4. Sa composition physico chimique est donnée par un data sheet de Crucible : carbone : 1,42% ; chrome 4,00% ; vanadium : 4,00% ; tungstène : 5,50% ; Molybdène : 5,25%, manganèse : 0,30% et souffre : 0,06%.
 

Il s’agit d’un acier riche en carbone, le titre en chrome est relativement faible par rapport à un acier inoxydable, mais correspond à la plage utilisée pour les aciers rapides (0,5 à 17%) et joue un rôle dans l’accroissement de la trempabilité, il forme aussi des carbures qui contribuent à la résistance à l’abrasion et s’opposent au grossissement des grains lors de l’austénisation. Le vanadium est utilisé comme élément générateur de carbures, il permet, pour les aciers rapides, une bonne dureté à chaud et une bonne résistance à l’usure. Le vanadium est en principe utilisé avec du chrome, du molybdène et le tungstène. Le tungstène possède une forte masse atomique qui en fait un élément très ségrégé (augmentation de l’hétérogénéité de l’acier), il donne naissance à des carbures très durs qui confèrent une grande résistance à l’usure. Le molybdène se comporte comme le tungstène. Le manganèse possède sur le comportement des aciers à outils un rôle identique au nickel : il est une source de difficulté lors du traitement thermique des aciers fortement carburés, mais il possède une influence favorable sur la trempabilité et la résistance aux chocs, il peut jouer une influence défavorable sur le revenu . Le titre de 0,30% annoncé par Crucible situe cet élément comme étant un élément résiduel présent dans les aciers à outils (0,3 à 0,5%). Le souffre pour des teneurs voisines de 0,1% permet d’améliorer l’usinabilité et l’état de surface des outils.
 

La technologie de la métallurgie des poudres développée par Crucible (P/M) permet de contourner toutes les difficultés évoquées ci-dessus et de fabriquer un alliage qui va associer des carbures de vanadium et des carbures de tungstène tout en maîtrisant la taille de ces carbures (2 à 4 microns contre 50 microns pour la métallurgie classique) et en obtenant une distribution homogène de ceux-ci au niveau de la microstructure de l’alliage, et sans phénomènes de ségrégation des carbures . Ainsi la résilience, calculée sous forme d’énergie de rupture exprimée, selon le test de l’aiguille (mouton de Charpy) montre, selon les diagrammes disponibles en métallurgie des poudres, que celle–ci atteint 25,5 pour le CPM-M4, alors que le M4 classique est limité à 10, soit plus du double !!! Son module d’élasticité est de 214 GPa pour une densité de 7,790 g/m3.

En termes de traitement thermique, dans le cadre du processus de trempe : préchauffage, austénisation (pour les aciers rapides et les aciers inox la température d’austénisation peut atteindre 1300°C). Pour le CPM-M4 destiné à la production d’outils coupant, la température d’austénisation est comprise entre 1175 et 1205°C, puis refroidissement (dans une solution saline pour obtenir la résilience maximale pour un traitement thermique donnée), et double revenu à 540° C (minimum). Selon Crucible les deux options fournissant une résilience et une résistance optimales au stress mécanique correspondent à des températures de revenu comprises entre 550°C et 565° C avec une dureté (RKC) alors comprise entre 58 et 64,5 RKC.

La dureté indiqué par , après deux ou trois revenus, est comprise entre 62 et 64 RKC et correspond donc bien aux données techniques recommandées par Crucible selon qui, la résilience augmente avec la décroissance de la température de revenu, avec une dureté idéale théorique de 63,5 HRC .

Il s’agit donc bien d’une technologie hors du commun, mais difficile à situer de manière scientifique par rapport aux nuances CPM-S30V et S35VN, en la matière seul Crucible possède l’expérience requise. En outre, le traitement thermique sophistiqué en fait un acier réservé à l’industrie, avec de puissants moyens de contrôle.

La lame du Contego mesure 10 cm de la pointe au début du ricasso, son épaisseur est donnée pour 3,96 mm par mais on mesure facilement 4 mm. Le dos de la lame reçoit un faux contre-tranchant trés esthétique qui permet une gestion élégante de cette lame massive, avec une géométrie identique à celle du 950 Rift. La lame possède une zone coupante utile qui atteint facilement les 99 mm et la hauteur maximale de cette lame est de 30 mm juste après le ricasso.
 


Cette lame possède une pointe triangulaire renforcée par un méplat, et à l'instar de celle du CQC-8 elle impacte fort dans diverses épaisseurs de carton et pénètre facilement la matière abrasive. Le tranchant de la lame est trés coupant a contrario de celle du 760 (Bob Lum ) qui était la première utilisation du CPM-M4 par .
 


La lame est parfaitement centrée une fois fermée. Elle reçoit un traitement de surface de protection contre l'humidité qui est le "Clear Cerakote". Le Cerakote est une marque brevetée américaine, il s'agit d'une céramique utilisée pour protéger les fusils de chasse contre la rouille et les griffures superficielles. Les conditions d'emploi étant trés différentes sur une lame de il est impossible de se prononcer sur sa résistance dans le temps...

Voici donc un trés bien fini et utilisant un acier qui reste rare (deux fermants chez ). Ce possède des caractéristiques trés intéressantes, il offre des prestations équivalentes et/ou supérieures à celles du CQC-8 pour 100 euros de moins, ce qui n'est pas un petit avantage.

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Commentaires

1 - EDC ou non ?

Moi j'ai tranché (pardon pour le jeu de mot involontaire) : EDC.
Bon, il faut reconnaître que la bête peut impressionner : dimensions, poids, type et forme de lame, etc.
J'avoue que j'ai eu un peu de difficultés au tout début.
Maintenant il a trouvé Tout naturellement sa place (il lui en faut).
Et cette lame ! Quelle belle ouvrage (voui ça s'écrit au féminin).
Si je devais lui faire un reproche ?
Les plaquettes en G10 un peu trop (très) agressives à mon goût à l'utilisation.
Mais, bon, c'est juste pour causer et glosser.
En tous cas très beau couteau et merci à Didier et Florence à qui je l'ai acheté et dont la qualité de service ne se dément jamais.
Je vous en parlerai si vous le souhaitez.

 


Semper Fi | Le Dimanche 24/06/2012 à 21:22 | [^] | Répondre

2 -

xavier

Merci DARKSUN pour cette revue très complète. 
Je ne doutais pas que tu en ferais une sur ce couteau qui me tente bien, je l'attendai avec impatience. 

Merci aussi pour les précisions sur cette acier CPM M4. Je l'ai sur le 760 bob lum et j'en suis un peu déçu par contre je l'ai sur le Spyderco Gayle Bradely et là je le trouve magique.....

xavier a donné 5 couteaux à Darksun

 


xavier | Le Lundi 25/06/2012 à 11:59 | [^] | Répondre

3 - Re:

Darksun Merci à toi Xavier pour ton sympathique commentaire. J'ai moi même été trés déçu par la lame du 760, et je voulais donc absolument vérifier à nouveau la qualité de cet acier

Le Contego est une réussite, cette fois la lame coupe fort

Je pense que cet acier est particulièrement sensible à la qualité du traitement thermique, et j'avais déjà noté chez Benchmade l'existence de lame trés médiocre en 154 CM.
 
On peut estimer que cette irrégularité de traitement est spécifique à la firme au Papillon, car le Gayle Bradley de Spyderco possède une excellente réputation, à la hauteur de la technologie du CPM-M4

En revanche, il ne semble pas protéger par un revêtement et risque d'être un peu patiné à la longue, mais pour un couteau c'est un détail plutôt normal.

 


Darksun | Le Lundi 25/06/2012 à 19:59 | [^] | Répondre

4 -

cardoso5fr Superbe revue pour un couteau assez impressionnant mais qui a vraiment une bonne tronche

cardoso5fr a donné 3 couteaux à Darksun

 


cardoso5fr | Le Mardi 26/06/2012 à 20:54 | [^] | Répondre

5 - Un renseignement en lien avec le Contego.

Aloha !

J'ai fait l'acquisition de ce modèle dont je ne me sépare plus même si, effectivement, la notion d'EDC peut être remise en question par d'aucuns.
En tout état de cause il a toujours une place au chaud dans ma poche quel que soit le pantalon.
Et quand à son usage : pur bonheur pur beurre !...

Par contre j'ai besoin de vos lumières.

Les plaquettes en G10 sont quelque peu "agressives" et j'aimerais les changer pour une belle essence de bois par exemple.
N'étant ni doué ni équipé, je ne serais pas contre une ou des adresses ...

Merci d'avance à tous.

 


Semper Fi | Le Samedi 21/07/2012 à 20:36 | [^] | Répondre

6 -

Essaye kurios sur neoczen ils bricolent et customisent pas mal de chose, je dois moi aussi les contacter pour un griptilian... 

 


Valisystem | Le Samedi 28/07/2012 à 13:49 | [^] | Répondre

7 - Re:

Merci du conseil que je vais m'empresser de suivre.
C'est sympa de m'avoir donné une bonne idée !
Cordialement,
Gilles.

 


Semper Fi | Le Lundi 13/08/2012 à 22:09 | [^] | Répondre