Couteau BUCK 830 MARKSMAN
Un sacré Strong Lock System !
Je vous présente aujourd’hui un couteau à forte personnalité, avec un système de blocage de lame inhabituel annoncé comme révolutionnaire mais finalement pas si novateur qu’on veut nous le faire croire, nous le vérifierons plus loin.
Construit à partir de matériaux de qualité, made in America et, cerise sur le gâteau, il est vendu à un prix accessible (moins d’une centaine de $)
J’ai d’ailleurs été étonné que personne n’en ait fait la revue avant ce qui m’a décidé à combler cette lacune.
Nous parlons du BUCK MARKSMAN 0830BKS-B, plus communément nommé BUCK 830 MARKSMAN, qui a été lancé en 2014.
Tous les amateurs de couteaux connaissent BUCK qui a bâti sa réputation avec le fameux 110, véritable et vénérable (puisque déjà quinquagénaire) morceau de légende américaine qui a constitué un accessoire obligatoire pour tout biker se respectant, au même titre que le Perfecto Schott de Marlon Brando, le bandana noué autour du cou et les tatouages d’angelot infernal sur le gras des bras.
Puis, au fil des années, la marque a un peu déserté le devant de la scène, poussée vers les coulisses par de nouveaux concepts véhiculés par des firmes comme SPYDERCO, KERSHAW, COLD STEEL, BENCHMADE etc.
Je cite volontairement des constructeurs offrant des gammes populaires visant un large public soucieux de se doter d’outils de qualité.
Alors BUCK, sans arrêter la fabrication de ses emblématiques lock-back(s), a commencé à moderniser ses gammes en proposant des couteaux se rapprochant des produits de la concurrence par les matériaux et les systèmes d’ouverture et de blocage de lame utilisés. Citons par exemple le BUCK VANTAGE présenté ici par Torpen (http://a-couteaux-tires.zevillage.org/news/couteau-buck-vantage-avid) et dont nous reparlerons au fil de ces lignes car il y a des liens de parenté évidents entre le VANTAGE et le 830 MARKSMAN.
Le 830 MARKSMAN, dans cette politique de rajeunissement de la marque, va plus loin puisque c’est pour BUCK un modèle tout simplement novateur (enfin, quand il sort en 2014, 3 years ago).
Voici donc la bébête :
En silhouette pour bien distinguer le contour du manche :
Mensurations : Fermé 120 mm, ouvert 210 mm.
Lame en acier 154CM, longueur (du manche à la pointe, donc non compris la partie au niveau de l’axe) 89 mm, tranchant 93 mm, largeur maxi 27 mm, épaisseur 3 mm.
Manche : Aluminium anodisé noir. Largeur maxi 33 mm, épaisseur 12 mm, 16 mm avec le clip.
Poids : 119 grammes
Passons rapidement sur la présence d’un flipper (un tantinet piquant pour l'épiderme mais on s'y fait vite) accompagné d’un axe de lame monté sur roulements à bille (sans mention IKBS) pour en arriver à la caractéristique principale : le système de verrouillage de lame, révolutionnaire si on en croit BUCK qui assure que ce couteau ouvert est aussi sûr qu’un couteau fixe et a même trouvé un nom siglé pour ce système, le SLS, soit le Strong Lock System. C’est clairement mentionné sur la notice :
Le SLS c’est cette plaquette ou bande de métal (strap en anglais), en fait un ressort plat rappelant vaguement un décapsuleur ( ? ), fixé sur le dessus du manche par 2 vis avec une ouverture longitudinale côté axe qui laisse passer le flipper en position fermée et verrouille la lame en position ouverte en bloquant une sorte de crochet usinée sur le dessus de celle-ci. Au niveau du blocage de la lame, autour de l’ouverture décrite, les bords du SLS sont cannelés pour en faciliter la prise.
Les photos suivantes vous permettent de visualiser le fonctionnement du SLS qui sert également à maintenir la lame en position fermée en l’absence de bille incrustée comme sur les couteaux à liner lock ou frame lock.
Ce n’est que lorsque la lame est en position intermédiaire, ni fermée ni ouverte, que le SLS n’agit pas sur son talon et qu’elle tourne librement sur son axe.
À l’ouverture, le flipper et l’axe monté sur roulements permettent une action véritablement explosive de la lame qui se déploie facilement et bien plus rapidement que sur un automatique. Ce n’est pas seulement la présence des roulements qui est responsable de cette ouverture dynamique. C’est aussi le SLS qui pousse sur le talon de la lame et joue pour ainsi dire le rôle d’une assistance à l’ouverture.
Le SLS part d’un principe apparemment simple qui se complique toutefois d’une mécanique étonnante destinée à rendre possible un réglage fin du bousin. On n’a pas besoin d’un diplôme d’ingénieur pour rapidement piger que l’efficacité du SLS va dépendre de sa position, de la position de l’orifice longitudinal par rapport au talon de la lame surtout, et que le réglage va consister à avancer ou reculer le dispositif. Une solution fort simple aurait pu se réduire à « ovaliser » les trous des 2 vis de fixation afin de permettre un jeu approximatif avant serrage des vis en question mais chez BUCK on ne se contente pas d’une astuce grossière de moujik des steppes et on préfère donner dans le chiadé qui s’affirme…
En examinant le 830 MARKSMAN méticuleusement, on finit par remarquer un petit trou au cul du manche juste au-dessus de l’encoche de fixation de l’agrafe de poche (the pocket clip pour ceusses qui préfèrent l’anglois) qui, j’en profite pour le noter au passage, permet un port profond et discret. Au fond du trou, on distingue une tête de vis Allen de petite taille dont on se demande bien ce qu’elle fout là.
Comme il n’y a aucune explication sur la notice, ni éclaté du couteau, je suis allé quêter des infos sur le Net, notamment sur Youtube, où des âmes charitables ont pris le temps de se filmer pour expliquer à quoi sert cette foutue vis si profondément enfouie.
C’est là : How to Adjust Your Buck Marksman (Setting the lockbar tension) par l’utile Zelrick que je ne remercierai jamais assez pour sa serviable contribution à la vulgarisation universelle de la science cultophile.
https://www.youtube.com/watch?v=Z_Gax-8rvm0&t=612s
Bon, je vais essayer de vous la faire courte car je sens que certains lecteurs sont sur le point de commencer à se crisper sur ce SLS et surtout sur ma prose.
Je ne l’avais pas dit mais vous l’aviez évidemment remarqué, entre les 2 vis du SLS il y a un autre trou carré où vient s’enquiller une pièce mâle fixée dans le manche, un peu comme un tenon dans une mortaise. La vidéo de Zelnick nous permet de découvrir que ce tenon est mobile et qu’il va avancer ou reculer lorsqu’on agit sur la vis planquée dans son trou en faisant avancer ou reculer l’ensemble du ressort plat. Il faudra préalablement desserrer les 2 vis principales pendant la manœuvre.
En image (merci Paint pour l’ignoble bidouillage…) :
Ceux d’entre vous qui ont l’habitude d’utiliser une tronçonneuse trouveront là une adaptation du système de réglage de tension de la chaine de ces dangereuses machines où l’action sur une vis permet l’avance ou le recul du guide (de chaine).
C’est long à décrire, c’est plus rapide de le voir sur Youtube. Admettez avec moi que cette savante complexité mérite pour le moins un sifflement d’admiration. C’est bien la preuve que chez BUCK on sait faire autre chose que des 110 d’un autre siècle, si lourds qu’ils vous explosent les poches et vous font trainer la jambe pis qu’à un bagnard trimballant son boulet.
Mais qui a bien pu pondre un système pareil ?
Le côté droit de la lame nous livre les noms. Le 830 MARKSMAN est le fruit d’une collaboration de BUCK avec G. & G. Hawk. G. & G. c’est bien sûr Grant Hawk et Gavin son fiston, de fameux couteliers de l’Idaho (état où est installé le siège de BUCK) qui ont aussi créé des modèles pour d’autres marques comme CRKT et BOKER, par exemple le BOKER GRIPLOC qui en termes de chiaderie avérée vaut aussi son pesant de cacahuètes. Leur VICIOUS CIRCLE est, dans un style différent, une réalisation tout autant surprenante. Les curieux pourront visiter leur site ici : http://www.hawkknifedesigns.com/
La lame du 830 MARKSMAN porte encore le nom d’un autre cador, pour ne pas dire un vrai boss, de la coutellerie américaine : Paul Bos, réputé pour ses compétences dans le domaine des traitements thermiques, qui s’est aussi impliqué sur le BUCK VANTAGE.
Je vous parle de ces types comme si j’avais passé le dernier réveillon avec eux mais il y a à peine 2 heures je ne savais même pas qu’ils existaient. C’est quand même bien pratique Internet…
Revenons à notre 830 MARKSMAN et à son SLS de tuerie.
Ce verrouillage couplé aux roulements à bille de l’axe entraine une autre conséquence étonnante : ce couteau se ferme aussi vite qu’il s’ouvre. Je crois que parmi tous mes couteaux aucun ne se referme aussi rapidement, même ceux équipés d’un axis lock semblent d’une lenteur empotée en comparaison. Pour le fermer, d’une seule main précise-je, il suffit de tenir le haut du ressort plat, au niveau des cannelures, entre le pouce et le majeur pendant que l’index pousse sur le dessus de la lame et schlack ! elle se ferme en 1/100e de seconde (au moins !). Inutile de dire qu’il vaut mieux ne pas laisser l’annulaire et l’auriculaire trainer sur le manche dans la trajectoire de la lame car ça coupe sévère. Je ne sais pas si une fermeture ultra rapide constitue une qualité notable (alors que dans certaines situations d’urgence une ouverture explosive, d’une seule main, peut s’avérer avantageuse) je souligne juste le fait car j’en ai été surpris quand je m’en suis rendu compte. En image (passer au N&B, c’est plus rapide que de me brosser les ongles !) :
1/100e de seconde plus tard…
BUCK ne met pas cette caractéristique en avant puisque la notice recommande une fermeture à 2 mains en soulevant le SLS avec le pouce ce que je ne trouve pas confortable du tout.
C'est maintenant le moment de placer quelques lignes sur cette lame qui coupe si bien. C'est un profil drop point, avec une émouture plate selon certaines descriptions mais à mes yeux légèrement creuse ce qui correspondrait avec une sorte de tradition chez BUCK (voir le 110). C'est une émouture qui remonte assez haut sur la lame. L'acier utilisé, du 154CM traité par Mister Paul Bros himself comme on l'a vu, atteint une dureté de 59-61 Rc. Les connaissances en métallurgie du littéraire pur que je suis étant proches du zéro absolu, je me tourne une fois de plus vers le Net. Sur la page nopanic.fr/les-aciers-de-coutellerie/ je découvre que le 154CM est un acier martensitique (tu m'en diras tant !), semi-inox, produit par CRUCIBLE INC. pour rivaliser avec l'ATS-34 (j'ai cru un instant qu'ils causaient de l'avion ATR machin...) et dont la composition est la suivante :
Cr : 14,0 % - C : 1,05 % - Mn : 0,50 % - Mo : 4,00 % - P : 0,003 % - Si : 0,30 %
Cette lame ressemble beaucoup à celle du VANTAGE dont elle parait être une version agrandie. Elle possède le même trou oblong autorisant une ouverture à une main, toutefois moins aisée qu’avec un SPYDERCO, pour les allergiques au flipper.
En sortie de boite c’est un véritable rasoir. Les poils de mes avant-bras, désormais glabres à force d’essais compulsifs, pourraient en témoigner si on leur laissait la parole.
Côté prise en main, c’est tout à fait confortable en dépit de l’aspect anguleux et rectiligne du manche. L’anodisation de l’aluminium procure une bonne accroche, tout en douceur, qui doit perdurer en contexte mouillé même si je n’ai pas fait le test de passer sous la douche avec mon nouveau jouet. Ce bon grip est accentué par les creux usinés sur l’aluminium. L’élargissement du bas du manche et le renflement au niveau du flipper agissant comme une garde calent parfaitement la main et le pouce vient naturellement se placer sur la cavité du SLS.
En poche, l’outil n’est pas désagréable à porter. Il fait moins de 120 grammes. BUCK l’annonce à 113,9 g sur son site mais le mien accuse sans preuve 119 g sur ma balance électronique scientifique de cuisine. Le pocket clip, copie conforme de celui du VANTAGE, un peu dur, permet comme je l’ai dit un port profond et peut facilement être fixé d’un côté ou de l’autre du manche. Le 830 MARKSMAN, par sa conception sans thumbstud ni verrouillage latéral convient d’ailleurs parfaitement aux gauchers aussi bien qu’aux droitiers.
Puisqu’on parle quincaillerie, notons quelque part que toute la visserie présente sur le dos du manche (donc concernant le SLS, fixation et réglage, et le clip) est du type Allen à 6 pans alors que l’axe de la lame et les 2 vis de montage du bas de manche sont de type Torx. Sans avoir vérifié, je suppose, pour ne pas simplifier l’affaire, qu’il doit s’agir de vis Allen en mesure impériale.
En résumé Le BUCK 830 MARKSMAN se révèle comme un couteau tout à fait intéressant qui a sa place dans toute bonne collection et très agréable à utiliser.
J’ai pu voir qu’il existe une version avec une lame à profil tanto et une autre avec un manche en G10 vert olive et une lame en S35Vn.
Pour finir, je veux revenir sur ce fichu SLS. D’abord, BUCK le déclare un des systèmes les plus fiables de tous les temps (…so strong it’s virtually a fixed blade !). Bon, je n’ai pas fait de test genre lame bloquée dans un étau avec 1500 Kg de fonte pendus au manche, je suis un gars normal et je n’ai pas ce genre de matos dans mon salon. Il va falloir attendre que des maniaques spécialisés et bien équipés le fassent pour nous sur Youtube. Je n’ai pas non plus tenté de défoncer un bord de table en le cognant avec le dos de la lame mais je pense a priori, vu la conception, que le blocage en utilisation normale ne devrait pas lâcher.
Enfin, ce ressort de lame m’a fait penser à des systèmes plus anciens et du coup, après avoir un peu remué mes fonds de tiroirs ainsi que mes méninges rouillées, j’ai trouvé ce que je pense être l’origine du SLS. Il existe depuis des lustres, des siècles même, des couteaux possédant un ressort externe. Les appellations varient, on a le ressort à palme fréquent sur les couteaux Mongin, avec ou sans anneau,
et le genre de couteaux appelés Cra-cra (ici un modeste Okapi),
on a les modèles à palanquille plutôt de tendance ibérique
et aussi les superbes Chatellerault certes différents puisqu’ils n’ont pas de ressort plat externe mais une mouche percée qui verrouille de la même façon que le SLS.
Tous fonctionnent sur le même principe : un ressort plat, externe (sauf sur le Chatellerault), avec un trou pour laisser passer et verrouiller un bout du talon de la lame. Pour débloquer, il faut soulever la partie bloquante du ressort soit directement, comme sur le Chatellerault, soit en actionnant la palanquille ou en tirant sur l’anneau.
Ce bidule machin truc rebaptisé SLS par BUCK semble donc être une réinterprétation de l’antique ressort à palme modernisé pour s’adapter au mode taketikeul du jour et complexifié par la possibilité de réglage micrométrique par vis.
Bref, du neuf avec du très vieux, du techno dur à partir d’un principe très simple et, à mon avis personnel, une réussite. Ce couteau est un plaisir à utiliser et fort ludique à manipuler.
Le voici au final (pour de vrai !) en bonne compagnie (notamment avec son grand-oncle, le 110) afin de visualiser sa taille. On voit que sa longueur est très proche de celle du SPYDERCO PARAMILITARY II (mais son tranchant est bien plus long que celui du PM).
Fiche BUCK : https://www.buckknives.com/product/marksman-knife/0830BKS-B/
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Mots-clés : Couteaux Buck
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