Mai 17
31
Couteau Kizer T-1 Ulrich Heinnicke
Une évolution très positive
C'est un designer germanique bien connu qui a déjà à son actif le modèle Ulize chez Spyderco (une variation sur le thème du modèle Police) et une très intéressante dague fermante frame lock titane N/690Co chez Böker Solingen.
Le T-1 marque la volonté de Kizer de faire évoluer sa gamme vers une offre comportant des couteaux dépourvus de flippers qui, certes sont terriblement à la mode mais un peu soulant à la longue.
A l’évidence si le T-1 n’est pas en mesure de remplacer le Sebenza, il constitue néanmoins un effort méritoire et offre aux amateurs la possibilité de prendre en main un couteau qui en est proche et devrait constituer une étape dans le cheminent personnel qui conduit aux fermants de Chris Reeve.
Pour autant, le T-1 n’est pas une copie du Sebie mais offre une très bonne alternative à ceux qui souhaitent posséder un EDC de gentleman de grande qualité. Sans faire durer inutilement un suspens de pacotille disons que le T-1 est une réussite avec deux bémols de mon point de vue qui est l’axe de pivot utilisé de manière récurrent sur l’ensemble de la gamme Kizer et une masse un peu élevée sans être du tout rédhibitoire.
Le T-1 est un couteau de taille compacte avec une longueur fermée de 11,10 cm pour 19,20 cm. Donc sans être un petit couteau, le T-1 échappe à la remontrance consistant à être un « grand » couteau fermant mal adapté à une fonction d’EDC.
Au contraire, la masse contenue à approximativement 124,50 grammes en fait un EDC tout à fait valable.
Comme d’habitude j’ai effectué un test de compatibilité sociale avec des néophytes et le commentaire est franchement laudateur pour le T-1 qui est perçu comme un très beau couteau dépourvu d’agressivité.
Sur le plan technique Ulrich Heinnicke a décidé de conserver les principes de base du Chris Reeve Integral Lock (RIL) avec une platine verrou en titane possédant une seule découpe permettant d’assurer le ressort. Cette découpe est large et bien usinée, la zone pouvant faire l’objet d’un stress mécanique générant une crique dans le titane fait l’objet de la petite découpe circulaire de rigueur.
La platine fonctionne bien avec un déploiement régulier et pas d’enfoncement supplémentaire lors de la prise en main. Il n’existe aucun jeu résiduel après engagement de la platine, la lame est parfaitement verrouillée. L’engagement du frame au talon de la lame est de l’ordre de 50% et correspond exactement au positionnement de l’interface anti-usure en acier trempée. Je dois avouer que j’aime bien avoir un dispositif de ce type sur un couteau dont le frame n’a pas subi de traitement thermique comme sur les Sebenza ou bien de dépôt de carbure de tungstène.
L’insert en acier trempé est monté dans un évidement du frame, il est fixé au moyen de deux vis torx traversières de petit diamètre. En outre, la pièce anti-usure possède une protrusion hémisphérique dans sa partie supérieure qui vient prendre appui sur la partie fixe de la côte en titane et sert ainsi de Lock Bar Stabilizer. Cette solution est largement répandue depuis quelques années et quasiment systématiquement utilisée dans la gamme Zero Tolerance (on en retrouve aussi des variantes chez Spyderco).
Les deux côtes sont réalisées en alliage de titane de grade 5 le Ti6 Al4 V qui est un matériau standard en coutellerie industrielle et en coutellerie custom, bien que pour cette dernière des essais ont été accomplis avec un titane de grade 7 réputé inusable.
Je manque de retour d’expérience en la matière et de toute façon le passage à cet alliage pourrait avoir un impact considérable sur le coût de vente des couteaux industriels, ce qui ne paraît pas utile compte tenu des tarifs relativement élevés qui sont encore pratiqués (y compris chez Kizer…).
Les deux côtes en titane possèdent la même épaisseur comprise entre 2 et 3 mm. L’usinage ne souffre aucune critique raisonnable et le traitement de surface de type Bead Blasted est homogène avec un gris titane légèrement argenté.
Comme tous les revêtements en titane ce dernier est vulnérable aux griffures et abrasions superficielles qui se font naturellement même dans les poches de nos pantalons en Jean. Il n’y a rien d’anormal, on peut toutefois noter que le traitement de surface des manches de Sebenza demeure à l’heure actuelle la finition la moins vulnérable à l’usage.
Le couteau demeure plus lourd que la concurrence car les deux côtes n’ont pas fait l’objet d’évidements. Il n’y a rien de catastrophique et le couteau paraît très robuste.
Le manche est dépourvu de crantage. La prise en main est néanmoins excellente avec un couteau qui se verrouille parfaitement dans la main.
Le manche possède une épaisseur de 11/12 mm (le 12 mm étant obtenu au moyen d’un palmer sur les flancs des côtes) avec une hauteur conséquente de 25 mm à l’aplomb du verrou, vers l’arrière du manche cette hauteur passe à 27 mm puis à 30 mm à l’extrémité du manche.
C’est cette hauteur progressivement croissante en allant vers l’extrémité du manche qui est la clef de la qualité de la pris en main du couteau. Le couteau possède une construction Open Frame qui me convient très bien avec une petite entretoise en titane en bout de manche qui reçoit la visserie torx, deux vis torx de chaque côté avec un diamètre moyen. L’entretoise est très propre avec un passage assez important permettant la fixation d’une lanière.
D'une manière générale, il n’y a pas de « hot spot » sur ce couteau, tous les angles ont été abattus.
Le clip est fabriqué en titane et il est efficace sans être d’une grande dureté, ce qui me paraît très bien. Il possède une seule position ce qui est souvent le cas pour les framelocks. L’observation du clip montre des traces qui n’ont pas été polies : il pourrait s’agir de marque indiquant une fabrication de l’alliage de titane par frittage (ce qui est le cas de la plupart des alliages industriels de ce type).
La lame du T-1 est un profil Drop Point utilitaire très polyvalent à l’usage, parfait pour un EDC généraliste. L’épaisseur de la lame est de 3 mm environ. La lame est longue de 85 mm avec un tranchant lisse utile de 80 mm ce qui donne sous un format plus compact le même tranchant qu’un Paramilitary-2 beaucoup plus orienté côté tactique. La lame possède un dos plat avec une émouture plate intégrale donnant naissance à un tranchant qui coupe très bien ; toutefois ce tranchant est perfectible et peut déjà être amélioré en passant sur un cuir. On note que le tranchant paraît un peu fin et qu’il faudra de toute façon corriger ce détail qui touche de nombreux couteaux en 2017. La finition est de type Stonewash très bien exécutée.
La lame est montée Ball Bearing, ce qui a mon avis n’apporte pas grand-chose par rapport à des rondelles en bronze phosphoreux. En plus, cela conduit à doter la lame d’une détente très puissante pour empêcher son ouverture par gravité ce qui est un peu déconcertant lors de la prise en main. A l’usage le système fonctionne bien même si les thumbstuds sont un peu petit lorsqu’on possède de grandes mains.
L’acier utilisé est le CPM-S35VN qui vient d’ailleurs de faire son entrée dans la gamme des couteaux Emerson, avec notamment un CQC-7 doté d’un flipper !!!
Pour rendre autoporteur ce texte, je rappelle que le CPM-S35VN est un acier fritté qui a été développé en 2009 par Crucible en collaboration avec Chris Reeve comme son prédécesseur le CPM-S30V. Les données techniques publiées montrent que le S35VN possède la composition suivante : 1,40% de carbone, 14% de chrome, 3% de vanadium, 0,5% de niobium et 2% de molybdène. Cet acier possède donc des carbures de vanadium, de niobium et de chrome. L'adjonction de niobium permet selon Crucible d'obtenir une résistance accrue de 15 à 20% par rapport au S30V concernant les chocs (sollicitations mécaniques transverses).
En revanche, les capacités de coupe des deux aciers données par l'indice CATRA sont identiques avec un indice de 145 (la base 100 est donnée par le 440 C, le test est une opération mécanique de coupe de cartons enduits de silice, dans ce test scientifique le 154 CM obtient seulement un indice de 125!!). Toujours selon Crucible pour des applications de coutellerie, le traitement thermique recommandé doit procurer une dureté comprise entre 58-61 HRC. Rien ne permet de dire que le traitement thermique utilisé sur le T-1 serait défectueux ; je possède plusieurs couteaux Kizer que j’utilise régulièrement comme utilitaire domestique et je n’ai constaté aucune usure prématurée du tranchant contrairement à des rumeurs répandues sur Internet.
Au final, nous voici avec un charmant compagnon de poche aussi distingué qu’efficace qui devrait connaître un succès mérité en Europe et aux Etats-Unis. Le principal problème de Kizer est qu’il propose une offre considérable proche sur le plan tarifaire de la gamme Zero Tolerance, qui avec sa fabrication Made in USA est un compétiteur redoutable. En fin de compte, le choix sera plutôt effectué sur la base d’un design et Kizer a bien compris la nécessité d’offrir des customs collaboration de qualité.
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Mots-clés : Couteaux Kizer
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