Le couteau Benchmade Foray (modèle 698) est un EDC de gentleman conçu en interne par Benchmade sans faire appel à une custom collaboration, même si le design du couteau est particulièrement réussi.

Il se situe dans la droite lignée des EDC conçu et commercialisés par la marque depuis ses débuts. C’est aussi l’un des modèles 2016 qui incorpore une lame en CPM-20CV. Son gabarit est particulièrement intéressant parce qu’il demeure assez compact pour être un EDC sans perdre toute capacité à remplir des fonctions de coupe très sérieuses. Je pense qu’il pourrait être un très bon binôme avec le Spyderco Vrango avec, en quelque sorte, un choix permettant de prendre en compte la tolérance sociétale de nos lubies de passionnés de couteaux. Lubies que je revendique bien haut et fort, car l’ouverture d’emballage ne me paraît toujours pas de nature à porter atteinte à la sûreté de l’Etat…
 

 

Le Foray mesure 10,50 cm fermé et 18,70 cm lame déployée. Sans être petit c’est un couteau compact qui conserve une forte capacité de coupe pour une masse des plus raisonnables de 101,49 grammes.
 

 

Mécaniquement le Foray est un système construit autour du dispositif de verrouillage Axis Lock dont l’action de blocage linéique de la lame est toujours aussi efficace. Le système fonctionne toujours aussi bien et avec une fluidité exemplaire qui est aussi due à la présence de rondelles en bronze phosphoré de chaque côté du pivot de la lame. L’usinage des espaces nécessaires au bon fonctionnement de l’Axis Lock est un modèle du genre qui concoure bien évidemment à un allégement du couteau.
 

 

On doit noter que les extrémités de la barre de verrouillage reçoit des usinages complexes que l’on retrouve sur l’axe du pivot de la lame, cela n’est pas une nouveauté cette dimension quasi-custom a fait son apparition sur le Loco. Sur un EDC de gentleman c’est un petit détail qui compte indubitablement.
 

 

La construction du couteau est du type open frame, sans aucune entretoise, ce qui est plutôt une bonne chose pour un tel couteau. Les platines en acier inoxydable possèdent une épaisseur de l’ordre de 1 à 1,5 mm. Elles sont allégées par des découpes circulaires au nombre de deux pour chaque platine, ces découpes viennent en plus de celles inhérentes au mécanisme Axis Lock. Les platines possèdent une excellente finition, les opérations d’ajustage et de polissage sont absolument parfaites.
 

 

Le couteau comporte une seule zone de crantage située à l’avant au-dessus du système de verrouillage, le crantage paraît visuellement agressif mais en fait à l’usage il est tout à fait normal et donne un excellent point d’appui au pouce pour un excellent contrôle directionnel des opérations de coupe. L’ergonomie du manche est très bien pensée avec une découpe des platines et des côtes qui permet d’obtenir un moignon de quillon inférieur largement assez efficace pour laisser l’index assez loin du tranchant terrible de la lame.
 

 

Les côtes sont en G-10 noir poncé dont la texture évoque fortement celle du bois. Là aussi la finition, le polissage et le détourage sont absolument parfaits : c’est bien du Benchmade. Les côtes possèdent une épaisseur comprise entre 2 et 2,5 mm. Cette épaisseur apporte une excellente rigidité structurelle, il n’y a aucun phénomène de flexion au niveau du manche même en serrant fort. L’épaisseur du manche est de 12 à 13 mm avec une hauteur de 20 mm au creux du quillon avant et 26/27 mm au niveau du quillon lui-même, pour le reste l’épaisseur du manche reste en moyenne aux alentours de 22 mm, avec une légère protrusion arrière qui vient remarquablement verrouiller la prise en main du couteau.
 

 

Le clip est très bien, efficace et plutôt agréable en revanche il est trop brillant pour moi. Sa finition est excellente, même si les côtés pourraient être un peu mieux poli. Le clip est réversible mais uniquement en position Tip Up : toutefois avec l’Axis Lock il s’agit effectivement d’un couteau totalement ambidextre.

Pour rendre autoporteur ce texte je rappelle donc les données connues sur l’origine du 20CV, cette partie pourra bien sûr être zappée par ceux qui ont déjà pris connaissance de la revue du Griptilian, mais je préfère être exhaustif dans ma démarche.
 

 

Il faut bien comprendre que l’origine du 20CV est complexe à retracer : initialement on trouve des données métallurgiques qui renvoient à une firme qui est Latrobe Speciality Steel Conpany pour un acier issu de la métallurgie des poudres,  le Dura Tech 20CV, dont la composition chimique est la suivante : carbone 1,90% ; manganèse 0,30% ; silicone 0,30% ; chrome 20,00% ; tungstène 0,60 ; molybdène 1,00% et vanadium 4,00%. Le Dura Tech 20CV possédait, lors de sa sortie en 2007, le plus important taux de chrome des aciers fabriqués par métallurgie des poudres. Selon les données CATRA par rapport à une base 100 qui correspond toujours à l’acier 440C, le Dura Tech 20CV possède une valeur relative de 180 en termes de rétention du tranchant, ce qui en fait un très très bon acier.
 

 

En 2010, Latrobe possédait des accords commerciaux avec Crucible portant a priori sur la distribution des produits, la documentation disponible ne permet pas de dire si l’acier 20CV a fait l’objet d’un accord de licence avec Crucible, ce qui paraît toutefois tout à fait plausible. Toujours est-il qu’en 2011 Latrobe a été rachetée par l’aciériste Carpenter, pour la bagatelle de 558 millions de $, le plus puissant concurrent de Crucible sur le marché américain. Quelques années plus tard, Carpenter a commercialisé d’abord à l’usage de Spyderco un super-acier le CTS-204P qui est un équivalent technologique du 20CV, avec quelques variations mineures des éléments d’addition secondaires en %, sachant que Latrobe existe toujours comme entité commerciale, filiale de Carpenter.
 

A ce point, il faut également indiquer que l’acier 20CV est aussi produit aux Etats-Unis par un aciériste du nom de Niagara Steel… Toujours est-il que la lame du 698 porte la mention CPM-20CV qui est la marque commerciale déposée des aciers produits par Crucible par le procédé de métallurgie des poudres !!!
 

 

Toujours est-il que la formule chimique du CPM-20CV est une version simplifiée à la marge du Dura Tech 20CV, et elle est la suivante : carbone 1,90% ; chrome 20,00% ; vanadium : 4,00% ; molybdène 1,00% ; tungstène 0,60% : la balance pour le pourcentage restant étant toujours une quantité en fer (par nature puisqu’il s’agit d’un acier). L’examen du Data Sheet de Crucible montre que l’indice CATRA est celui du Dura Tech 20CV, il en va de même pour le module d’élasticité (module de Young) et pour le traitement thermique sophistiqué qui fait intervenir deux traitements cryogéniques : pour autant le data sheet de Crucible est dépourvu de toute référence à un brevet Latrobe ou à un accord de licence…
 

 

Il est important de signaler que hormis quelques doutes raisonnables sur la nuance d’acier retenue, il n’y a toujours pas de retours négatifs sur les forums américains : la tendance générale est plutôt à considérer le 20 CV comme parfaitement affutable, même si j’estime qu’il est trop tôt pour conclure de manière définitive. Toutefois, il est improbable que Benchmade n’ait pas réalisé les essais d’ingénierie nécessaires, sachant que les prototypes de production étaient déjà prêts en 2015 : un certain nombre d’entre eux a d’ailleurs été vendu par Blade HQ au même prix que les couteaux de série produits en 2016.
 

 

La lame est une géométrie Drop Point qui inclus un contre-tranchant d’inspiration Clip Point avec un élément recurve modéré pour le tranchant de la lame : autant dire que le concept est vraiment très intéressant. A titre personnel, je considère que la lame possède une fort belle apparence qui lui confère une identité bien à elle. Son épaisseur est de 3 mm. Elle est longue de 82 mm pour un tranchant lisse utile d’au moins 77 mm, ce qui reste très honorable pour un EDC de Gentleman. Le dos de la lame est intégralement plat, le faux contre-tranchant n’est bien sûr pas du tout aiguisé. La décroissance de l’épaisseur du métal est gérée de main de maître avec une lame qui ne paraît jamais fragile, sans jamais être trop épaisse. La hauteur de la lame est de 20 à 22 mm.
 

 

L’émouture en creux pratiqué sur le 20CV permet d’obtenir un tranchant extraordinairement coupant qui rappelle beaucoup celui du M390 ou encore celui du CPM-S90V. Autant dire que cette lame n’est pas du tout que décorative…
 

Pour conclure, le Foray me paraît être un EDC de très grande qualité avec un niveau de réalisation digne de la réputation de Benchmade. Son format moyen permet d’en faire un outil très polyvalent, avec une bonne prise en main qui optimise une formidable capacité de coupe. Si vous souhaitez tenter l’aventure d’une lame en 20CV, sachez que par rapport aux autres couteaux de gentleman de la firme au papillon le surcout est au plus de 15 à 20 euros. Finalement je pense que vous n’avez rien à perdre sur le plan qualitatif, mon exemplaire utilisé en binôme avec le Spyderco Vrango me donne toute satisfaction. A vous de voir donc.
 

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