Couteau Zero Tolerance 0055 GTC
Un design venu d'ailleurs...
Bien sûr la coutellerie ne manque pas de canard boiteux et d’autres outils coupant disgraciés non par la nature mais plus simplement par leurs concepteurs.
Et j’ai eu une révélation en apercevant le dernier né de Zero Tolerance le modèle 0055 Gustavo Tommaso Cecchini qui est pourtant un créateur custom très apprécié.
Ce couteau possède une silhouette improbable qui évoque celle d’une sorte de boomerang. Bien sûr, si vous le lancez, il n’y a aucun risque qu’il revienne vers vous (et c’est déjà réconfortant).
Disons pour être honnête que je m’amuse beaucoup avec le 0055 (qui est une version industrielle du très étrange Airborne SLT) qui semble montrer le stade ultime de la malformation dont pourra souffrir un couteau tactique : une forme tourmentée, une sorte de symétrie de la lame et du manche, et une lame dont l’affilage sera un véritable défi même pour les utilisateurs les plus aguerris. Bref pour tout vous dire il me paraissait indispensable dans ma collection.
De manière très sérieuse, le 0055 est un mélange de très haute technologie avec une masse contenue qui en fait a priori un EDC très atypique, et à ce titre je pense qu’il devrait connaître un succès commercial important sur le marché nord-américain. Bien sûr ensuite si vous êtes réellement à la recherche d’un véritable couteau tactique, éprouvé par l’usage, la grande famille des Sebenza reste à votre disposition…
Le 0055 est un design futuriste qui risque même de devancer une partie des attentes de la clientèle de ZT. Pour autant c’est un couteau remarquablement conçu, un vrai travail d’ingénierie, travail sophistiqué qui est en lui-même la raison existentielle de ce couteau.
Le couteau mesure fermé 12,70 cm pour une longueur totale de 22,20 cm qui commence à en faire un grand couteau fermant, même si la masse a été maîtrisée avec seulement 140 grammes approximativement.
Comme à l’accoutumé j’ai eu l’occasion de le présenter à des néophytes et en fait le résultat est curieusement positif dans la mesure où l’étrangeté du 0055 suscite l’intérêt et entraîne des questions sur le concepteur de cet étrange outil… Techniquement le 0055 GTC est un framelock qui part d’une configuration assez classique de type Reeve Integral Lock (RIL) pour s’en éloigner avec plusieurs modifications majeures.
La platine verrou possède une seule découpe destinée à faire ressort mais cette découpe est assez haute, ce qui fait que le verrou fonctionne avec puissance et régularité. L’usinage du frame est proche de la perfection, avec une découpe ogivale du point de stress éventuel du titane. La platine verrou reçoit deux zones d’allègement par évidement de la côte en titane, la première est située derrière le ressort de la platine en allant vers l’extrémité antérieure du manche, tandis que la partie haute de la platine verrou est allégée par une découpe cylindro-ogivale. Le frame reçoit le désormais classique dispositif anti-usure en acier trempé qui est logé dans un évidement de l’extrémité du verrou et c’est cet insert qui vient prendre appui contre le talon de la lame.
On peut noter que compte tenu de la présence d’un flipper articulé escamotable, cela entraîne une modification de la géométrie du verrou avec l’usinage d’un logement où il prend partiellement place.
En outre le talon de la lame possède lui aussi un usinage complexe, avec un surface d’appui modifiée, de taille réduite par rapport à un framelock classique. Toutefois, son usinage est sans reproche et la surface disponible assure un calage mécanique sans faille de la lame en position ouverte.
Assurément toute cette complexité génère sans nul doute des coûts de production qui ne sont sans doute pas négligeables, et c’est pour cette raison que je suis très admiratif devant la production en série d’un tel couteau, qui montre bien que ZT est et restera un acteur incontournable de la scène coutelière américaine. La capacité d’innovation de KAI/ZT demeure considérable et permet de faire face à la concurrence très rude des marques chinoises de haut de gamme, cela d’autant plus que ZT parvient à maintenir un rapport qualité/prix qui demeure exceptionnel pour une fabrication Made in USA.
Les côtes en titane Ti6 Al4 V possèdent une épaisseur comprise entre 3 et 4 mm, elles possèdent un usinage complexe avec des zones en creux recevant un crantage superficiel de surface qui rajoute très légèrement du grip sur un couteau qui est par ailleurs dépourvu de vrai crantage et ne dispose pas d’une rampe destinée à positionner le pouce, ni sur le manche ni sur la lame.
La côte opposée au framelock est allégée au moyen d’un évidement massif qui à la une forme rectangulaire avec des angles arrondis : le travail est très propre et paraît plus judicieux que la multiplication des figures géométriques improbables qui est souvent de rigueur dans la production industrielle.
Le manche possède une épaisseur de 15 mm si l’on tient compte des côtes, ce qui est considérable sans être rédhibitoire en poche et explique la bonne prise en main de ce couteau qui malgré un aspect rectiligne possède un manche galbé discrètement.
Le manche mesure 35 mm de haut vers la lame ce qui est destiné à former un embryon de quillon inférieur bien pensé qui entraîne un dégagement du doigt vers le bas en dépit de la disparition du flipper articulé dont nous allons reparler. Le manche possède une légère courbure vers l’arrière ce qui permet une prise confortable.
Le pouce trouve un appui large sur le dos plat de la lame et vous aurez une bonne prise en main même avec des mains grandes ou moyennes. En revanche, l’absence totale de rampe entraîne de mon point de vue un contrôle directionnel légèrement moins précis sans que cela soit un « deal breaker » qui affaibli un éventuel argumentaire tactique pour ce couteau.
Le couteau possède une architecture open frame très réussie avec une entretoise en titane anodisé bleu qui sert de support à la visserie torx de diamètre moyen qui est concentrée sur le côté droit. Les côtes et l’entretoise ont été forées pour permettre éventuellement le passage d’une dragonne. La finition globale du manche et la qualité des états de surface mérite des éloges. L’axe de pivot de la lame est massif dans la tradition de ZT avec une emprunte de clef torx à une extrémité.
Le clip en titane est légèrement en retrait par rapport l’aspect avant-gardiste du couteau, mais il est assez souple pour être utilisable d’emblée et bloque bien le couteau en bord de poche : une fois bien bloqué le couteau se fait oublier tranquillement sur un bermuda tout à fait classique.
La lame est un concentrée de technologie, et c’est là que pour les grincheux et tous les tough guys les critiques vont sans doute fuser.
Je tiens à être honnête, je suis très content de ce couteau, malgré un ton un brin sarcastique et j’estime sincèrement que les designs atypiques ne doivent pas être lynchés : cela n’empêche nullement une critique construite et raisonnable.
Le système de déploiement de la lame utilise le Kershaw Velocity Technology (KVT) qui est sans nul doute le concurrent le plus solide de l’IKBS. Ce mécanisme s’est bonifié dans la durée et offre une ouverture d’une incroyable fluidité. Le déploiement de la lame se fait au moyen du fameux flipper articulé breveté par GTC : c’est une tige cylindrique dont la tête est circulaire avec un crantage très efficace et qui est invisible en position ouverte ou fermée, ce qui permet d’évacuer le débat sur la laideur des flippers (qui ne sont pas tous forcément très esthétiques).
Ce système est en fait relativement complexe car le flipper possède un axe articulé qui est situé dans le talon de la lame : cela nécessite un usinage complexe du talon en arrière de la partie qui sert d’appui pour le verrouillage.
En outre pour être automatiquement escamotable, le flipper est doté d’un ressort qui le referme immédiatement après usage. Tout cela est remarquable sur le plan de l’ingénierie, et ne pose aucun problème pour un usage comme EDC. En revanche, il est à peu près certain que cette complexité va à l’encontre d’une démarche de conception d’un couteau fermant tactique utilisable sur le terrain. Le déploiement de la lame se fait au terme d’un effort qui montre une très puissante détente et l’on s’interroge sur la présence d’un quelconque automatisme : il n’en est rien bien sûr.
La lame possède un usinage en creux qui permet un calage parfait du stop pin particulièrement massif, aucun risque n’a été pris concernant la solidité de ce couteau.
La lame reçoit une finition stonewash homogène totalement exempte de défaut. La lame possède une géométrie Reverse tanto qui me plait beaucoup, avec une pointe rectiligne différente des pointes tombantes des americans tanto habituels. Cette lame mesure 100 mm avec un tranchant lisse utile de 95 mm minimum. Elle possède une épaisseur de 3,9 à 4 mm très bien gérée avec une pointe qui est à la fois fine et robuste. Cette lame est réalisée dans l’excellent acier CPM-S35VN qui est une référence solide.
La lame est très particulière dans la mesure où elle dispose d’une émouture composite : le premier tranchant qui va de la pointe du biseau à la partie basse du tranchant possède une émouture à géométrie plate intégrale qui donne un tranchant très robuste, tandis que la seconde partie dont le tranchant est quasiment rectiligne possède une émouture en creux très coupante.
Cette combinaison n’est pas une innovation spécifique au modèle 0055 GTC en revanche elle procure sur ce modèle un tranchant extraordinairement coupant : cette lame coupe des renforts en kevlar comme s’ils n’existaient pas. Son biseau pointu permet aussi des travaux de coupe d’une grande précision avec pour seul caveat l’absence de rampe pour le pouce. Franchement même si l’entretien ne sera pas une sinécure, le potentiel de cette lame est considérable.
Au terme de cette étude que j’espère sincèrement honnête, je pense que le 0055 GTC est un merveilleux couteau, apte à un usage d’EDC et disposant d’une ergonomie sophistiquée.
Clairement son créneau ne sera pas le domaine tactique, mais plutôt celui d’un EDC aussi puissant que remarquable, et pour les collectionneurs il sera sans nul doute, design de GTC oblige, un must.
Les progrès accomplis par ZT en 2015-2017 sont absolument merveilleux.
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Mots-clés : Couteaux Zero Tolerance
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