Couteau Zero Tolerance 0850 Sinkevich/Rexford
Une prouesse technologique
L’idée de faire collaborer deux couteliers de cette envergure sur un modèle est une gageure qui n’était pas une chose aisée à concevoir. Disons le franchement, le thème choisi du fameux Six Shooters américain (en principe le bon vieux modèle SAA 1873 dont la thématique est bien un élément historique indéniable) n’est pas forcément très parlant pour des amateurs de couteaux français et a même été critiqué par quelques amateurs américains sur des forums.
Dans un premier temps j’avais été défavorablement influencé par les critiques qui me paraissaient assez raisonnables, puis il y a eu des échos favorables sur la qualité du produit. Ne pouvant pas me résoudre à trancher par images interposées j’ai finalement décidé d’acheter un modèle 0850 qui n’est pas vraiment un couteau d’entrée de gamme.
Disons que si vous avez l’occasion de lire ma revue du modèle en édition limitée 0777 que j’aime beaucoup, vous trouverez dans le modèle 0850 la reprise des éléments technologiques que j’estimais pouvoir être utilisés de série sur un couteau de qualité. Sauf que les économies d’échelle que l’on pouvait attendre d’une production en grand nombre demeurent insuffisantes selon moi. Toutefois, il n’en demeure pas moins vrai que le modèle 0850 est une réussite technologique avec une qualité de production qui demeure proche du custom.
La véritable question qui demeure en suspend est de savoir s’il s’agit bien d’un couteau tactique ou d’un EDC de très haut niveau. J’aurai tendance à ménager la chèvre et le chou en disant que le 0850 est un EDC haut de gamme avec une forte connotation tactique.
Pour autant je ne pense pas qu’il soit un couteau tactique pur jus comme le Sebenza 21 ou même l’excellent modèle 25.
Le modèle 0850 est un couteau qui mesure 12,3/12,4 cm fermé pour une longueur totale d’approximativement 22 cm, ce qui en fait un grand couteau, dont la masse est de 122 grammes grâce à l’utilisation massive de la fibre de carbone.
On peut dire que si le couteau est trop grand pour être un EDC urbain, sa masse est en revanche bien adaptée à une telle fonction, sans compter que sa finition luxueuse en fait un objet dont la perception demeure excellente même auprès d’un public de néophyte et suscite de nombreuses questions sur la technologie utilisée. C’est un constat très positif, le couteau est perçu avant tout comme une réalisation exceptionnelle qui fait passer sa taille largement au second rang des préoccupations.
La mécanique du 0850 repose sur l’utilisation d’un principe de blocage de la lame qui est directement inspiré du Reeve Integral Lock (RIL) mécanisme bien connu de tous les amateurs de couteaux. Le pari qui est tenu par ZT dans la réalisation du 0850 est l’utilisation de cette technologie sous forme d’un framelock qui est une pièce rapportée fixée à une côte en fibre de carbone. Ce pari avait déjà été tenu avec succès par Viper Technocut sur un EDC que j’avais beaucoup apprécié.
La réalisation de ZT se base assez largement sur le modèle 0777, toutefois, le frame a été encore perfectionné. Il est fixé à la côte en fibre de carbone droite par quatre vis de type torx, de diamètre moyen identique à la visserie que l’on peut observer sur l’entretoise. Le frame en titane a été partiellement intégré dans un évidement de la côte : deux points de fixation correspondent à la visserie du clip et deux points supplémentaires sont situés sous la flèche du clip.
Ce montage paraît aussi discret visuellement que robuste puisque j’ai fait fonctionner ce couteau d’une manière journalière pour éprouver sa solidité et je peux dire que dans une fonction classique de couteau, il n’existe aucun souci. En revanche cette configuration ne paraît être celle d’un fermant tactique. Bien que la fibre de carbone puisse avoir une résistance mécanique équivalente à un acier de type maraging, les côtes peuvent être détruite par un impact mécanique direct. En outre, ZT ne communique pas sur la nature technologique de la fibre de carbone utilisée ce qui ne permet pas de développer une argumentation plus construite.
Toujours est-il que le framelock en titane possède une épaisseur qui atteint facilement les 3 mm. Sur l’ensemble de sa longueur le frame est doté d’une partie haute dissimulée dans le manche qui constitue un mécanisme empêchant une extension dangereuse lors du déverrouillage. Ce mécanisme est supérieurement conçu et usiné à la perfection. L’extrémité du frame est légèrement plus épaisse et atteint approximativement 4 mm, et à cette extrémité se trouve intégré une interface anti-usure en acier trempé fixée au moyen d’une vis torx traversière de fort diamètre. L’interface est montée dans un évidement du framelock en titane et possède une partie supérieure rectangulaire qui vient compléter la butée linéaire supérieure du framelock. Il n’y a aucun doute sur le fait que l’on a voulu faire de ce sub-framelock une pièce extrêmement solide.
La platine verrou fonctionne avec la régularité d’un métronome et la partie qui s’engage sous le talon de la lame en position ouverte est de l‘ordre des 2/3 de la partie anti-usure qui possède une épaisseur d’environ 2 mm. Le calage est excellent, la lame est totalement verrouillée sans aucun jeu résiduel et le frame ne bouge pas lors de la prise en main du couteau : on peut dire que le succès est complet.
Le retrait du frame ne demande aucun effort majeur par rapport à un frame ordinaire. La fibre de carbone utilisée possède une trame sophistiquée qui montre la aussi que ZT ne fait pas les choses à moitié : cette fibre de carbone montre une superbe coloration bleue (alors que le rouge/pourpre a été utilisé sur le 0460 cette année). Cette nuance de couleur est parfaitement adaptée à un couteau et change agréablement de la fibre de carbone noir un peu triste que l’on commence à voir massivement.
L’épaisseur des côtes en fibre de carbone varie entre 3 et 4 mm : ZT n’a pris aucun risque ce qui me convient bien. Le détourage de cette fibre de carbone est absolument parfait.
L’épaisseur du manche est de 12 mm environ avec une hauteur de 27/28 mm à l’aplomb du frame lock puis atteint 30 mm sur la plus grande partie du manche. Associée à un léger galbe du manche, la prise en main est absolument remarquable même si vous possédez de grandes mains. En dépit d’une texture poncée, le couteau se verrouille facilement dans la main et devient un outil coupant tout à fait fonctionnel.
Le manche est pourvu d’une entretoise en titane cylindrique qui de mon point de vue surexploite de manière excessive le thème du Six Shooters avec des cannelures et se termine par un projectile tronconique creux. Cette entretoise a suscité beaucoup de critiques et je suis d’accord avec ces dernières : mécaniquement elle est parfaite et il est probable qu’elle a été conçu assez épaisse pour assurer la rigidité du manche du 0850. Pour le reste il eut été préférable de se limiter à une évocation plus discrète. Toujours est-il que cette entretoise reçoit six vis torx de diamètre moyen : trois vis de chaque côté.
Le clip est en titane, il est plutôt agréable et bloque bien le couteau en bord de poche, mais pour les raisons exposées ci-dessus il possède bien sûr une position unique.
La lame est une variation sur le thème du Dop Point qui serait pourvu d’un tranchant courbe. Les parties latérales planes reçoivent un traitement de surface stonewashed, tandis que le reste de la lame possède une finition satinée de haut niveau. Le dos de la lame est plat, mais comprend plusieurs courbures. Il existe une courte rampe qui permet de poser le pouce de manière confortable, et le crantage est très correct pour assurer une vraie fonction. Le stop pin de la lame est emboité entre les deux côtes en fibre de carbone.
Le talon de la lame a été usiné en creux pour assurer un calage optimal de la lame sur le stop pin. La lame possède un thumbstdud qui est réalisé en fibre de carbone, il est fixé à la lame par une puissante vis torx.
Cette pièce est cylindrique avec deux extrémités tronconiques. Ce dispositif est très performant et permet une ouverture très souple de la lame qui possède de chaque côté de son axe de pivot de rondelles en bronze phosphoreux.
L’acier retenu pour la lame est le CPM-20CV de Crucible qui est une version légèrement simplifiée du Dura Tech 20CV, et dont la composition chimique est la suivante : carbone 1,90% ; chrome 20,00% ; vanadium : 4,00% ; molybdène 1,00% ; tungstène 0,60% : la balance pour le pourcentage restant étant toujours une quantité en fer (par nature puisqu’il s’agit d’un acier). L’examen du Data Sheet de Crucible montre que l’indice CATRA est celui du Dura Tech 20CV, il en va de même pour le module d’élasticité (module de Young) et pour le traitement thermique sophistiqué qui fait intervenir deux traitements cryogéniques.
La lame mesure 10 cm avec un tranchant lisse utile de 99 mm, compte tenu de la courbure du tranchant on peut espérer facilement une longueur réelle de 100 mm. Son épaisseur est de 4 mm. L’émouture est réalisée selon une géométrie plane particulièrement bien maîtrisée et sa puissance de coupe est absolument phénoménale. La lame possède une hauteur maximale de 31 mm ce qui en fait un outil très performant.
Arrivé au terme de cette revue, je dois avouer que mon point de vue sur ce couteau est très favorable et que cette pièce de haute technologie possède bien des avantages qui l’emportent sur les critiques que j’ai pu formuler. Je ne pense toujours pas que ce couteau est une vocation tactique comme le Sebenza, en revanche il constitue une réalisation remarquable qui intéressera sans doute les amateurs de beaux couteaux. Si le prix demeure élevé, on peut dire que le rapport qualité/prix correspond bien au positionnement de ce couteau.
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Mots-clés : Couteaux Zero Tolerance
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