Couteau Benchmade Rift 950 Limited M4 Carbon Fiber
En hommage à Warren Osborne
En 2012, j’avais demandé à mon mandataire d’acquérir lors du Shot Show, une version rare du Rift (950). Cette version comprenait un manche doté de côtes en fibres de carbone texturées en 3D, ce qui demeure rare en 2016 alors même que cela permet de fournir une prestation identique à du G-10, le poids en moins. Ce couteau faisait partie d’une série limitée de Benchmade produit à 50 exemplaires. J’ai réussi à obtenir le couteau N°4 et j’en suis extrêmement content, c’est pour moi un plaisir pour les yeux autant qu’une satisfaction intellectuelle très forte. C’est une pièce à laquelle je suis très attaché, bien au-delà de tout aspect mercantile. Je vous en propose donc une revue.
Le Rift s’est imposé comme un classique de la marque au Papillon, et a même été décliné en version automatique. Personnellement j’aime beaucoup son profil de lame Reverse tanto allié à la douceur du système de verrouillage linéique Axis Lock.
Le modèle testé dans cette revue conserve l’architecture du modèle de base avec une amélioration très nette des matériaux employés. Le couteau mesure 11,6/11,7 cm fermé pour une longueur totale de 21,1 cm. Sa masse est de 140 grammes.
La masse conséquente s’explique par le fait que les platines en acier inoxydable 420J2 ne sont pas ajourées en dehors des découpes spécifiques au système de verrouillage Axis Lock. Les deux platines possèdent une épaisseur identique de l’ordre de 1 à 1,5 mm. Le système de verrouillage est toujours aussi onctueux et robuste, on ne mesure aucun jeu vertical ou latéral de la lame.
La structure du couteau est de type open frame avec l’absence de toute entretoise. Le manche est maintenu avec deux vis torx de diamètre moyen de chaque côté du manche vers l’arrière et par un stop pin de bonne dimension qui est lui-même monté au moyen de deux vis torx. L’axe du pivot de la lame est bien dimensionné. Le système doit sa fluidité en plus de l’Axis Lock à la présence de deux rondelles en bronze phosphoré de part et d’autre de l’axe. L’ouverture avec les deux thumbstuds est un pur régal !!!.
Le manche possède une structure ergonomique travaillée, avec un découpage avant des platines et des côtes qui permettent d’obtenir un quillon inférieur protégeant parfaitement les doigts. Vers l’arrière on note un décrochage du manche qui permet de positionner de manière particulièrement fine l’annulaire. Le galbe du manche et la texture en 3D des côtes en fibre de carbone permet de s’affranchir sans conséquences néfastes des zones de crantage. On note que le détourage et l’usinage des côtes en fibres de carbone est un modèle du genre : la texture en 3D me paraît idéale pour un couteau à vocation tactique et je suis un peu dépité de voir perdurer des configurations lisses seulement adaptées à de merveilleux EDC. L’épaisseur des deux côtes est identique, elle est comprise exactement entre 2 et 3 mm, les parties à 3 mm d’épaisseur correspondent à l’ensemble des parties en relief.
Le manche possède une épaisseur de 12 mm pour une hauteur de 2,6 cm au centre du manche. Le clip est malheureusement le clip Benchmade standard qui vient jurer avec ce très beau couteau. Toutefois si ce clip n’est pas terrible sur le plan esthétique, il présent le triple intérêt d’être réversible, de couleur noire et d’assurer une bonne rétention en poche : il est vrai que sa forme pointue incite à une manipulation prudente sur un Jean de qualité…
La lame reverse tanto est une géométrie qui a été longtemps travaillée par Warren Osborne, autant pour des EDC du type 940 et dérivés que pour des couteaux à vocation tactique comme le Rift et le Contego. Cette forme de lame est extrêmement performante pour attaquer les emballages cartonnés et les plastiques récalcitrant, et puis il faut bien le dire, le CMP-M 4 aidant, la découpe de kevlar est une simple formalité.
La lame possède une épaisseur de 3 mm pour une longueur totale de 95 mm et un tranchant utile lisse de 90 mm, avec une lame dont la hauteur atteint jusqu’à 30 mm pour redescendre vers 27 mm. Le dos est intégralement plat et ne comporte aucune zone de crantage pour poser le pouce : le manche fournit déjà une zone d’appui très confortable qui rend ce dispositif superfétatoire à mon avis. La pointe est renforcée par un méplat en forme triangulaire qui assure une solidité tout à fait raisonnable pour un couteau de ce type.
L’émouture possède une géométrie plane intégrale qui permet à l’acier CPM-M4 de révéler da puissance de coupe. On doit son’introduction en coutellerie industrielle à Gayle Bradley chez Spyderco, simultanément avec Warren Osborne chez Benchmade. Il s’agit d’une nuance initialement très cotée dans les concours de coupe. On note, d’ailleurs, l’apparition en 2016 de deux nouveautés possédant des lames en CPM-M4, comme le Gayle Bradley 2 qui est une formidable optimisation du premier fermant éponyme produit par Spyderco et des framelocks Mantra 1 et 2 qui sont deux couteaux extrêmement compacts conçus par Eric Glesser.
L’acier CPM-M4 est un produit issu de la technologie de la métallurgie des poudres de la société américaine Crucible. La caractérisation physico-chimique en fait un composé métallurgique qui selon les sciences de l’ingénieur se classe à la fois dans les aciers spéciaux (pourcentage de carbone supérieur à 0,6), mais surtout dans la catégorie des aciers outils dits rapides, c’est-à-dire destinés à déchiqueter d’autres aciers et à fabriquer des forets.
Il s’agit d’une évolution technologique majeure de l’acier M4, lui-même produit par Crucible. Le CPM REX M4 HC (HS) est un acier outil à haute teneur en vanadium spécialement conçu pour les applications rapides et offre une meilleure résistance à l’usure et une plus grande résilience (thoughness) que les aciers M2 et M3.
Par rapport à l’acier standard M4 le CPM-M4 a été modifié par une augmentation en carbone afin de lui conférer une dureté optimale pour les travaux de coupe. On note également un apport en souffre notable (High Sulfur) selon Crucible, qui permettrait d’obtenir un meilleur usinage de l’acier CPM-M4. Sa composition physico chimique est donnée par un Data Sheet de Crucible : carbone : 1,42% ; chrome 4,00% ; vanadium : 4,00% ; tungstène : 5,50% ; Molybdène : 5,25%, manganèse : 0,30% et souffre 0,06%. Fondamentalement, le CPM-M4 est un acier au carbone qui reste vulnérable à la corrosion et particulièrement au jus de citron… C’est pour cette raison, qu’à l’exception de Spyderco, les lames en CPM-M4 sont proposées avec un revêtement de protection. Sur mon modèle Rift Limited, nous sommes en présence d’une polycéramique noire BK-1.
Le BK-1, c’est-à-dire le BenchkoteT Blade Coating, est un procédé propriétaire de la firme fondée par Lester de Asis et qui offre une excellente résistance à la corrosion supérieure à la norme ASTM-117 pour la résistance à la corrosion par eau salée. Le BK-1 est décrit comme étant un revêtement en polycéramique, c’est-à-dire un mélange de polymères et de céramique moins épais que le précédant revêtement BT-2, et possède une meilleure résistance à l’usure en raison de la présence de céramique. A l’heure actuelle ces types de revêtements sont remplacés par des traitements de surface de type Cerakote comme sur le Contego et par des revêtements à base de PVD (Physical Vapor Depot) sur un grand nombre de couteaux tactiques.
Warren Osborne avait défini lui-même la dureté à obtenir à l’issu du traitement thermique de la lame à une fourchette comprise entre 62 et 64 RKC, Benchamde a appliqué cette spécification avec beaucoup de constance, et force est de reconnaitre que le tranchant de cette lame est absolument époustouflant. Les mêmes spécifications ont été appliquées avec le même succès sur le magnifique Contego. Le seul acier qui soit supérieur au CPM-M4 en matière de résistance au choc est l’extraordinaire CPM-3V, dont Spyderco a fait usage sur le Tuff d’Ed Schemp un framelock superbe et baroque à la fois !!!
En conclusion, il est possible de dire que le Rift Limited CPM-M4/Carbon Fiber est l’incarnation d’une conception exigeante de la qualité du couteau industriel qui était l’alpha et l’oméga de la démarche de Warren Osborne. On ne peut que se féliciter des conséquences d’une telle exigence, car il faut bien le reconnaitre, la qualité générale des couteaux industriels a considérablement augmentée, y compris pour les marques chinoises qui développent désormais des pièces de très haut niveau.
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Mots-clés : Couteaux Benchmade
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